Morceaux choisis du Sidobre

Le Sidobre, c’est où ?

Parce que, pour ma part, je me dois d’être totalement honnête, je n’en avais jamais entendu parler avant cette petite excursion familiale !

Le Massif central

Et bien vous allez rire – en tout cas, moi j’ai ri grassement, remettant même en cause cette vérité indéniable -, mais cette région de granit située dans le département du Tarn correspond en fait à la pointe sud du Massif Central (le petit cercle rouge sur la carte) ! Oui, vous avez bien lu : LE MASSIF CENTRAL, cette chaîne d’anciens volcans que l’inconscient collectif associe à raison au Puy de Dôme et localise plutôt vers Clermont Ferrand ; eh bien, le Sidobre en signe la porte d’entrée.

Le Sidobre, c’est quoi ?

Le Sidobre est né il y a 285 millions d’années à partir d’un magma liquide de roches en fusion à une profondeur d’au moins 20 km sous une énorme montagne dont ne subsiste aujourd’hui que le Massif Central, la Montagne Noire et le Sidobre. L’érosion et le refroidissement du magma ont donné naissance à une roche cristalline : le granit. Ainsi, le Massif du Sidobre – dont la structure serait, selon les scientifiques, celle d’une lentille épaisse en forme d’amande – est un énorme bloc de granit de 10 km de long sur 10km de large sur 10 km de profondeur.

Le Sidobre représente aujourd’hui le plus grand ensemble de rochers granitiques de France et le premier centre français de production de granit. C’est même lui qui aurait pavé les Champs Elysées et l’Arc de Triomphe (et pas du tout la rue Alsace Lorraine de Toulouse comme le pensait Papa-tête-en-l’air ; ceux-là viennent, beaucoup moins local, d’Angola !).

Le Sidobre et un petit bout de son histoire

Comme tout morceau de Terre, celui-ci fut le refuge de bien des mythologies dont la plus connue est la Légende d’Alazaïs, Dame de Burlat.

Adélaïde, la princesse aux « yeux de violettes », est la fille de Raymond V, Comte de Toulouse, et de Constance de France. Cette dernière se serait réfugiée dans le village médiéval de Burlat (dans le Sidobre bien-sûr, sinon, je ne vous en parlerais pas !) après sa répudiation par son mari. Ainsi, sa fille y fut en partie élevée et y aurait tenu une cour d’amour. Le troubadour Arnaud de Mareuil était fou amoureux d’elle et fut l’un des rares troubadours qui n’ait aimé et chanté qu’une seule dame ; c’est lui qui participa à forger la légende autour de l’adorée dont il louangeait la beauté mais aussi les qualités morales. L’artiste, cependant, ne fut pas le plus illustre des prétendants puisque le roi Alphonse II d’Aragon chanta lui aussi son admiration courtoise. Dame Adélaïde, pourtant, leur « préféra » (il est bien-sûr plus probable que le choix n’ait pas été sien mais celui de la raison d’Etat !) le vicomte Roger II Trencavel, avec qui elle entretenait des relations assez froides. On devine alors quels furent ses intimes déchirements : désillusion d’une épouse dont le mari est sans cesse absent et apparemment quelque peu indifférent ; inquiétude devant la tension grandissante à l’égard des croyants cathares qu’elle respectait annonçant la prochaine Croisade à leur encontre, et enfin, malgré les consolations de la poésie et vraisemblablement celles aussi d’une piété très simple reçue de sa mère, mélancolie d’un amour impossible pour le roi d’Aragon semble-t-il.

On trouve ainsi dans le Prieuré de Burlat, le pavillon d’Adélaïde, scène de ses légendaires amours courtoises, bien qu’il est peu probable que le Prieuré ait été construit par la famille des Comtes de Toulouse. En effet, le village faisait partie du comté de Trencavel ! En revanche, certaines preuves attestent de l’attachement d’Adélaïde au lieu, qui s’y réfugia pour s’éloigner de la cour de Carcassonne après son mariage.

Vous me tourmentez  tant madame, vous et amour,
Que je n’ose vous aimer ni ne puis y renoncer,
L’un me poursuit, l’autre me fait arrêter ;
L’un m’enhardit, l’autre me fait craindre…
Et le visage doux que vous savez tellement me faire,
Me font tellement vous désirer et convoiter
Et j’agis en fou car je ne sais me séparer de vous…

Arnaud de Mareuil
Lac de la Bancalié

Puis vint le temps, après un saut millénaire dans les siècles, non plus des légendes, mais des heures sombres de l’Occupation et de la Guerre. Comme tout paysage reculé et abrupt, le Sidobre offrit alors un refuge idéal pour les Maquis Résistants, notamment celui qui deviendrait le Corp Franc du Sidobre (et donc unité FFI).

Pendant l’hiver 1943-44 furent constitués des Maquis d’attente, supervisés par des cadres de l’armée d’armistice dissoute et qui regroupaient tous les jeunes réfractaires au S.T.O  et autres volontaires clandestins, de tout âge et de toute profession désireux de poursuivre la lutte armée envers l’occupant. Financés par des industriels de la région, les hommes étaient ravitaillés par les commerçants du coin et les paysans du cru. En revanche, ils étaient dotés d’un armement très limité et d’une instruction militaire élémentaire .

Le débarquement en Normandie  va accélérer la mise en place d’une réelle organisation militaire de la Résistance en France en général et dans le Tarn en particulier. Dès fin juillet 1944, le Corp Franc du Sidobre, qui vient d’être renommé ainsi et dont l’effectif atteint 250 hommes, s’installe de façon plus « pérenne » dans certaines fermes et les parachutages commencent à fournir des armes suffisantes pour tous les maquisards dont l’instruction militaire accélérée se poursuit. Ainsi, les résistants du Sidobre pourront sans rougir participer aux combats de la Libération qui se tiendront en août dans la région.

Le Sidobre et ma rencontre avec ses roches de granit

Je me dois, avant tout, de recontextualiser mon périple : j’ai exploré le Sidobre par sauts de puce, accompagnée de ma famille paternelle pour une excursion surprise, à la fin du mois de février. L’hiver avait donc parfaitement enveloppé les paysages, point de trace du printemps à venir. Le ciel était gris, le vent soufflait à torrent, la pluie s’est même invitée au retour et les routes avaient un léger goût de diagonale du vide. On pouvait cependant encore trouver quelques beautés aux panoramas fatigués sous le ciel gris. La majesté de certains sites demeurent, millénaires et sages, épargnés par les saisons. Le goût du grand air ragaillardit, intact et rafraichissant, destinés aux beaux jours prochains. La compagnie de ceux qu’on aime réjouit, fidèle et légère, minutée dans l’intemporalité.

Nous sommes donc partis, par un dimanche venteux et timidement ensoleillé, vers une destination inconnue même si l’on nous distillait toute une floppée de noms que l’on ne comprenait pas, maintenant le mystère de là où nous allions.
Nous avons d’abord, un peu moins ignorants au fur et à mesure que les kilomètres s’égrenait, fait halte au Lac de la Bancalié pour picnic et ballade. Bordé d’un sentier d’un peu moins de 10km, le lac offre une belle promenade dominicale entre forêts et collines et dont vous trouverez tous les détails par ici. Vous pouvez, à la moitié du parcours (si vous partez du barrage) faire un petit détour par le château, nous l’avons vu d’en bas et de loin, ça nous a suffit… Le vent soufflait dru, les arbres étaient nus, le lac gardait néanmoins une couleur bleue électrique et hypnotique sous la grisaille du soleil.

Les jambes bien dégourdies, ayant quelques minutes à tuer avant le couvre-feu, nous avons fait détour par les Cascades d’Arifat. Et rien que les méandres de la route offraient de belles surprises entre tour médiévale et gorges apprenties… Malgré le mystère brocélandrien du lieu cependant, des cascades nous n’avons rencontré qu’une vision fugitive, qu’un échantillon prometteur… Nous n’avions pas bien préparé notre escapade ; si seulement nous avions regardé le plan, nous aurions su qu’un pont nous attendais sur le chemin pour un regard plus panoramique et nous n’aurions pas rebroussé chemin, vaincus par le vent. Nous sommes malheureusement restés sur le mauvais versant, au plus près des chutes, invisibles pourtant. [Pour ne pas manquer ce qui nous a échappé, voici les informations dont vous avez besoin.] Mais je commençais à me faire un idée plus précise des reliefs abrupts, rugueux et enchanteurs du Sidobre.

Après cette exploration avortée et quelques farces de gps, nous avons finalement atteint notre toit pour la nuit : la yourte mongole de Philou qui, malgré quelques répartitions hasardeuses de l’immobilier et quelques courants d’air, offre un beau point de vue sur les alentours et une nuit insolite dans un cadre dépaysant et ressourçant.

Vue panoramique de la yourte

Le lendemain, après un petit déjeuner frileux mais joyeux sur la terrasse, nous étions fin prêts pour de nouvelles aventures. Et c’est entre 10h30 et midi que notre moral en a pris un certain coup. Les routes étaient désertes et les champs aussi – si ce n’est les décharges à ciel ouvert qui semblaient s’entasser contre nos kilomètres -, et les villages abandonnés. Cela ne nous donna pas envie de vivre là-bas et encore moins d’y retourner. Après ces contours désolés, nous avions choisi d’emprunter la route touristique des Gorges de l’Agout ou de Gijou, je ne suis plus bien sûre mais ça rime en « ou », qui n’offrait que peu de regards sur les gorges finalement… Il semblerait que ces aspérités se laissent mieux découvrir à pieds.

Nous étions donc quelque peu désappointés, nous avions faim, les ados voulaient rentrer ; il était temps de se remplir la panse pour se calmer l’esprit au plus près des Rochers de Sidobre. Repus, nous étions plus à même de faire un « courte » promenade digestive au départ de l’aire de picnic de Beyriès (balise jaune) qui est supposée faire le tour des « hauts-lieux » du Sidobre : Le roc de l’oie, Les Trois Fromages, etc… Nous, nous avons fait demi-tour au charmant-petit-hameau-dont-je-ne-retrouve-pas-le-nom après 40 mins d’expédition et, si nous n’avons pas vu les rocs-star à pieds, nous avons tout de même dit bonjour à l’incontournable Peyro Clabado avant de reprendre la route ; et, si nous n’avons pas vu toutes les rocs-star, le sentier rocambolesque et notre reflet dans les eaux bleu turquoise et mouillées du Lac du Merle me donnèrent tout de même un avant-goût de reviens-y pour un jour sans pluie.

Par toutes les montagnes et toutes les vallées,
Par l’ombre des forêts,
Et par les fleurs des champs,
Par les bourgeons des arbres
Et l’herbe des prairies,
Par le blé en épi, je crie :
Vive les « Monts du Sidobre » !

L’Abbé Jean Dauzat

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