L’amoureuse Fontaine

Le Pays Cathare est une terre chargée de légendes et d’Histoire à l’origine d’une réelle fascination quand j’étais enfant. J’ai de vagues souvenirs d’être allée visiter des chateaux forts avec mon père (j’avais même reçu un diplôme de chevalier !) et ma mère a toujours nourri une passion incroyable pour les Cathares qu’elle m’a certainement indirectement transmise.
Pourtant, comme beaucoup de choses liées à mon pays, je m’en étais quelque peu éloignée ces derniers temps, allant chercher mon mystère au loin sur les terres celtiques, oubliant que la terre voisine ouvrait aussi une porte sur l’Ailleurs insondable. Comme quoi (et on se le répète en boucle pour essayer de trouver du bon à cette crise sanitaire), cette immobilité à moitié forcée, à moitié choisie, ouvre le champs des possibles.
Pour ma part, elle me réconcilie avec mes rêves de chateaux forts de petite fille que je peux maintenant regarder avec mon regard d’apprentie historienne et mon âme de sorcière illuminée.
Pour ma part, elle m’amène au-devant de cette quête fantasmée d’enfant et m’intéresse aux places légendaires entre toutes les légendes, aux lieux mystiques entre tous les mystères, aux endroits énigmatiques entre tous les secrets à travers cette rubrique sur l’
Aude ésotérique et tellurique.

C’est probablement ici, après un an de pèlerinages joyeux, que ma quête ésotérique et tellurique en Aude s’est achevée… Dans les eaux vertes hypnotiques de ce lagon salé de la Sals. Au creux des bassins veloutés de la FONTAINE DES AMOURS.

En réalité, on ne sait jamais bien où commencent et où finissent nos pèlerinages et sans aller y chercher des réponses ésotériques, peut-être qu’Allet Les Bains et/ou d’autres recoins de la Sals accueilleront mes errements déclenchant les méandres de mon clavier… Mais pour l’heure, j’ai été toucher, du pied et de la main, les endroits dont les noms m’avaient touchée dans le cœur. Alors pour l’heure, l’avenir seul nous le dira.

La Sals, petite rivière très salée qui prend sa source dans les Corbières, se prolonge le long du Pech de Bugarach pour aller se lover en bassins naturels, de superbes « baignoires » reliés entre elles par de petites cascades sur les hauteurs de Sougraine. Se trouve ainsi, entre le mont inversé et la Reine discrète, la Fontaine des Amours dont le paysage enchanteur invite à la rêverie, dont la légende aspire à l’éternité. Les arbres murmurent en effet, du creux de leur noms intemporels entrelacés dans leur écorce, que lorsque deux amoureux se baignent dans ces eaux, leur amour durera toute la vie.

Pour ajouter au secret des pierres, quelques ruines d’un moulin témoignent d’un temps on l’on y taillait les jais (gemme  provenant de la carbonification de débris de conifères).

Lorsque je rejoignais la Fontaine des Amours après mon ascension du Bugarach, je n’étais plus seule ; le vert ne m’en hypnotisait pas moins puissamment, le chant du torrent ne gargouillait pas moins intimement dans mon cœur. Les fausses baigneuses, ma brève compagnie, n’était que de passage, matérialité de l’Univers pour me rappeler qu’il était question ici de faire vœu d’amour.

Seule à nouveau, je contemplais la musique veloutée de la rivière de sel entre les cheveux verts de la Terre.

Je m’étais promise de me fondre entre les gouttes salées pour faire peau neuve mais l’eau était absolument gelée. Oserais-je ? La vasque principale était très profonde permettant d’y plonger depuis les rochers que je surplombais mais je n’étais pas si courageuse que ça. Je me rapprochais non sans peine d’un petit morceau de « plage » afin de m’immerger en douceur. Les algues duveteuses appelaient mes petons farouches et je me glissais maladroitement (et froidement) dans le basin, compromettant probablement tout l’écosystème moelleux sur mon bref passage. Car oui, le premier bain était éclair. Vivifiant, joyeux et exaltant, mais bref.

Aussi vite entrée que sortie, je m’assis cependant au bord du torrent, récitant mes prières païennes en dedans, sentant mon corps chaud sous la fine pellicule glacée, les pieds chatouillés par les nénuphars de sel. La Fontaine des Amours m’appelait intrinsèquement pour un deuxième bain. Invitation à laquelle je me soumise dans un rire fou. Je me baptisais donc deux fois avant d’aller me sécher au soleil, savourant chacun de mes passages à guet de vert.

Je pouvais finalement rentrer, pleinement régénérée par l’atmosphère très particulière du lieu, par la douceur salée de l’eau, envahie par la nature luxuriante de l’amoureuse Fontaine qui vint sceller ma déclaration d’amour éternel à moi-même dans cette vie-là.

Ondine

Pour s’y rendre :

La Fontaine des Amours se situe non loin de Rennes Les Bains sur la route de Sougraigne. Après avoir passé le premier pont au niveau du croisement en direction de Sougraine, vous traverserez un deuxième pont. Le sentier part sur la droite de la route juste après un parapet après que la route ait pénétré dans la forêt. Elle n’est pas signalisée. Seules les voitures au bord de la route permettent de la localiser. 

Envie d’une promenade ?

J’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé de balade spécifiquement rattachée à La Fontaine des Amours (si ce n’est l’aller-retour de trois secondes trente pour y aller). Ainsi, je vous conseille :
* soit de faire comme moi en partant à la rencontre du Miracle de Bugarach avant d’aller laver vos blessures dans l’eau magique des amours (ce qui vous oblige à reprendre la voiture)
* soit, si vous êtes moins ambitieux, d’opter pour le parcours plus tranquille que j’ai arpenté pendant l’hiver au départ de Rennes Les Bains : le parcours insolite et dont vous pouvez dévier avant de quitter le ruisseau de la Blanque et à quelques centaines de mètres de l’arrivée pour rejoindre la Fontaine des Amours à pieds en suivant le cours de la Sals sur un kilomètre sur votre droite.

Ecoute ! Ecoute ! C’est moi, c’est Ondine qui frôle de ces gouttes d’eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.
Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle du feu, de la terre et de l’air.
Ecoute ! Ecoute ! Mon père bat l’eau coassante d’une branche d’aulne verte, et mes sœurs caressent de leurs bras d’écume les fraîches îles d’herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne !

Gaspard de la Nuit
Paix intérieure

3 réflexions sur “L’amoureuse Fontaine

Laisser un commentaire