Partie de campagne

VOYAGEUSE INTEMPESTIVE – Ep. 7

C’est déjà l’automne. Pas celui qu’on attend avec impatience, celui du mois de septembre qui rafraîchit les nuits de façon bienvenue et dépose une petite laine sur nos épaules dénudées quand on s’attarde un peu trop tard à la terrasse d’un bar. Non, c’est l’automne que l’on repousse indéfiniment, celui du mois de novembre. Venteux. Grisailleux. Pluvieux. En dessous du 10 sur le thermostat. Avec un bleu qui joue entre ciel et brouillard. C’est la goutte d’eau, ou la goutte froide, je ne sais plus, je m’y perds avec ces histoires de gouttes météorologiques….

Enveloppée de cette fraîcheur automnale, j’égrène les kilomètres sur les routes de campagne, entre les creux et les vallons, en quête d’amitié, en quête d’imagination, en quête d’échappée, en quête de respiration….

J’écris des romans dans ma pensée.

Je chéris plus ou moins secrètement la langue d’asphalte au bout de mon volant ou de mon guidon qui ouvre toujours mon espace d’écriture… Oui, je sais, c’est curieux comme concept, écrire sans stylo, sans papier, mais entrelacer les mots dans son cerveau. Conduire me donne un espace méditatif que je n’ose pas prendre à mon bureau. Les mains au volant ou les pieds sur le guidon, je mets de l’ordre dans mes idées pour mieux les retranscrire sur le papier.

Les routes de campagnes n’ont pas leur pareil pour tracer l’autoroute – ou la nationale, ou même aujourd’hui, la départementale – de mes pensées.

L’avantage de cette campagne familière, c’est qu’elle me provoque rarement un sujet d’écriture en tant que tel, elle devient le support de « vraies » inspirations. Néanmoins, je me fais toujours chipée, au moment inattendu où je m’y attends le plus, par ces instants suspendus, où ce paysage devant lequel je suis déjà passée mille fois me ramène au présent et m’éblouit avec la même intensité que la première fois. Et je savoure ma chance d’aimer ce que j’aime, de vivre ce que je vis.

Puis, mon regard se perd à nouveau en contemplation. A la fois de mes pensées et de mes paysages apprivoisés. Les vaux se succèdent surplombés par des champs de tournesols brûlés par l’été, le vent s’engouffre dans les arbres pas encore nus, le bleu du lac saisit l’infime éclaircie dans ses eaux miroitantes.

Puis, arrivée à destination, émergeant de l’habitacle qui a renfermé la chaleur tendre de mon urbanité, la bise gifle mes bras nus et je me demande qu’est-ce que je fous là mangée par le froid à travers les couches trop fines de mes vêtements, par cette journée de novembre à l’aurore de septembre. Et la réponse m’apparaît comme une évidence.

JE SUIS VIVANTE.

Justine T.Annezo – 13 septembre 2024, les routes lauragaises – GTM+2


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