Carnets de voyage

Le Voyageur au-dessus de la mer de nuages, Caspar David Friedrich

Merci à Lucie Azéma qui, par ses mots, a inspiré les miens…

Le premier jour où je suis partie en voyage. Seule, avec pour tout compagnon mon carnet vierge rempli de rêves. Le premier jour où je suis partie en voyage, j’ai tout de suite essayé d’entrelacer les mots qui racontaient chacun de mes pas de A vers B. Chaque jour, j’inscrivais chaque souvenir, chaque sensation. Bordélique et insatiable.

Le premier jour où je suis partie en voyage. Seule, avec pour tout compagnon mon sac à dos chargé d’espoirs. Le premier jour où je suis partie en voyage, c’était un Irlande. L’Irlande, c’est le pays qui m’a totalement et irrémédiablement bouleversée et dont je ne reviendrai jamais vraiment. L’Irlande a été mon explosion et ma réconciliation. L’Irlande a ébranlé tout ce que je savais de moi, me laissant là sur le pavé en mille morceaux que je ne reconnaissais plus. L’Irlande a entrepris plus tard la vaste processus de guérison dont j’avais besoin. Posant le premier pansement sur le premier morceau abîmé.

Puis, je me suis trouvée, et surtout perdue, dans d’autres pays, dans de multiples facettes de mon être, par intermittence et par nécessité. J’ai éclaté de nouveaux morceaux, j’en ai rabiboché certains pour mieux les révolutionner plus tard. J’ai tourné plusieurs fois sur moi-même et à rebours de la Planète. J’ai rencontré d’autres cultures qui m’ont bouleversée, qui m’ont questionnée. J’ai appris sur les mondes qui nous contiennent.

Puis, j’ai continué mes errements telle une mosaïque transmutable de moi-même, des impatiences dans le cœur de toutes les explorations qui m’animaient, des sourires dans les yeux des mondes qui s’offraient à moi.

Puis, ma mosaïque transmutable de moi-même s’est suspendue, je n’étais plus à l’autre bout du monde mais je continuais de vagabonder chez moi, de recoller les morceaux, de les éclater à nouveau parce que je les avais mal repositionnés, de refaire mon tableau de Picasso inlassablement, d’illuminer le chemin une version de moi-même…

Je guéris chaque jour un peu mieux. Chaque jour un peu plus. Ces morceaux abîmés. La roue ne s’arrête jamais de tourner, chaque minute transforme mes cellules et dématérialise mes morceaux pour les laisser vagabonds et changeants. Libres.