Tour des Mondes en 2070 jours

Ils et elles furent nombreuses à tenter les records de vitesse pour, littéralement, faire le tour du monde.

Je choisis de ne citer ici que le plus célèbre – bien qu’il n’ait été en réalité « qu’un » explorateur de fiction : Phileas Fogg et son pari en 80 jours ; et celle qui sera la première à tenter (et réussir) de battre son record : Nellie Bly et ses 72 jours autour du monde. Je cite leur exemple parce qu’ils ne le furent justement pas pour moi, j’ai aimé suivre leurs aventures et leurs récits quotidiens (dans lesquels je me suis d’ailleurs perdue après mes propres pérégrinations), la poésie du voyage qui nous unit à travers les âges et les continents ; mais je me suis appliquée à choisir une temporalité vagabonde complètement contraire aux leurs.

Dès mon premier grand voyage, les 10 jours initiaux se sont transformés en 3 semaines et il me fut bien vite impossible de partir moins d’1 mois. J’avais besoin de me sentir libre de m’immerger quelque part pour une éternité s’il le fallait.

Mes explorations étaient et seront toujours l’occasion pour moi d’étirer le temps. De rester un mois et demi au même endroit parce que ses Etoiles du Nord pansent mes blessures. De passer une journée sur un vélo pour aller voir un dolmen magique parce qu’il représente l’entrée de l’Ailleurs. De m’attarder toute une journée dans un pub, un salon de thé ou un parc pour le plaisir de laisser mes mots courir sur mes voyages.

Ainsi, 2070, c’est le nombre de jours qu’il y eut entre le premier jour de mon premier grand voyage, le 12 mars 2016, et le 10 novembre 2021, date à laquelle j’ai choisi de laisser en jachère l’expression de mes voyages entre ces lignes. Et du 1er au 2070ème jour, j’ai exploré les mondes, irréelle et immatérielle, vagabonde aux poings crevés. Et du 1er au 2070ème jour, je fus inspirée par une seule pensée :

… Voyager et Contempler la Mer de Nuages…

Et du 1er au 2070ème, je fus mue par une seule réalité :

Prendre un crayon, un clavier, un carnet, une serviette en papier, ce qui nous tombe sous la main dans cet instant fiévreux où l’on dessine, de façon infime, de façon intime, ce qui nous traverse lorsque l’on part… Non pas lorsque l’on part, lorsque l’on va, d’un endroit à un autre. Lorsque notre âme s’enracine ou vole en éclat. Ou bien les deux. Et trouve les interlignes, les bifurcations de qui l’on est, fugaces, muables et changeants au grès des vents. Et se donne la liberté d’être bleue de la mer agitée un jour et rouge de la terre aride le lendemain.

Prendre une plume, un minitel, un parchemin, une serviette de table, ce qui est à la mode ou à notre envie et raconter à toi, à moi, à nous, à vous, ces fulgurances qui nous transforment, ces infinités qui nous émeuvent, ces réalités qui nous dégoûtent, ces éminences qui nous transcendent, ces papillons qui nous transmutent.

Prendre un stylo, une machine à écrire, un cahier, une serviette de bain, ce qui défile aussi vite que notre pensée et chanter en quelques mots, en plusieurs phrases, les mondes contenus dans un arbre, une personne, un océan ou une île… Ces lieux qui nous transpercent et qui ne sont nôtres que pour un éphémère instant parce qu’on y dépose notre sac au dos ou notre âme toute entière. L’espace d’une seconde. Le temps de toute une vie.

Ou au moins essayer…