La fuite bienvenue

Partir me renvoie au temps. Au présent qui est déjà un souvenir. On quitte quelqu’un qui n’est plus nous, on se sépare d’instants fugitifs qui sont déjà du passé et qu’on ne pourra plus jamais vivre de la même façon. C’est bel et bien cette temporalité du départ qui le rend souvent douloureux, qui nous renvoie à l’idée de finitude. On quitte un espace de bonheur ou de tristesse connu pour un lieu de bonheur ou de tristesse inconnu. Et même si nous ne sommes jamais à l’abri du malheur, quitter un lieu de tristesse c’est avoir l’espoir insensé que la tristesse ne poursuivra plus jamais nos pas. Et même si la vie est faite de petits bonheurs, jamais les mêmes, toujours intenses ; quitter un lieu de bonheur, c’est quitter le temps qui se rattache à ce bonheur, c’est rendre ce bonheur passé. C’est déjà le transformer en souvenir. Et c’est cela qui m’effraie dans la vie, dans l’idée du bonheur : sa temporalité, le fait indubitable que cela doit se finir un jour ; alors que le malheur, dans sa toute-puissance, m’apparaît illimité lorsqu’il me renverse.