
Si vous regardez mon historique dans ma barre de recherches Ecosia, vous trouverez l’intitulé suivant : « anatomie d’un stylo plume ». Preuve de la semaine que je viens de passer en résidence d’écriture au bord d’un poêle à bois.
Parce qu’il faut être précis quand on écrit.
D’ailleurs, si je devais être véritablement précise, je vous dirai que l’intitulé exact est « l’anatomie d’un capuchon de stylo plume ». Je voulais savoir comment on appelle précisément la barrette du capuchon qui sert à le crocheter à un cahier ou à une poche de chemise. A la place, j’ai découvert qu’un stylo plume se compose d’un « corps » lui-même habité par un « système de remplissage », et d’un « capuchon » qui sert à protéger ladite « plume ». Comme ça ne m’en disait pas plus sur cette fameuse barrette, je m’en suis remise au stylo bille dont la « bille » a remplacé la « plume », la « pointe » le « capuchon » et dont les organes sont beaucoup plus élastiques : « ressort » et « cartouche d’encre ». Mais toujours pas d’information sur la fameuse barrette.
J’ai donc décidé que « barette », c’était très bien, même si ça n’est pas tout à fait scientifique.

Si vous regardez mon historique dans ma barre de recherches Ecosia, vous trouverez l’intitulé suivant : « l’anatomie d’un stylo plume ». Et dans l’absolu, on s’en fiche un peu de ces corps et métiers. Ce petit souvenir qui s’affiche à chaque fois que je tape un « a » dans ma barre de recherche est plutôt le rappel tendre de la semaine que je viens de passer en résidence d’écriture au bord d’un poêle à bois.
Pendant une semaine, j’étais seule sur mon rocher à laisser mon imagination se transformer en mots, qui ont entrelacé des phrases, qui ont fini par remplir les pages, qui ont composé des chapitres, qui ont clôturé la première partie de mon roman : Être quelqu’un.
Youpi !
Enfin seule… pas tout à fait. J’avais deux chats noirs qui s’invitaient sur mon plan d’écriture.
Mais surtout, j’étais en compagnie de Jo. Et Jo, c’est un peu moi. Enfin, une autre version de moi, sublimée par la fiction.
« Sublimé ! » Comme elle y va ! Elle se mouche pas du coude notre amie l’autrice ou l’auteure selon la rime qui vous plaît le plus.
C’est vrai que « sublimé », ça fait tout de suite un peu prétentieux : ma vie serait tellement incroyable qu’elle peut être sublimée…? ou alors mon talent serait tellement éclatant que ma vie en est sublimée…? Dans les deux cas, je vous l’accorde, ça fait gonfler les chevilles.
Dans mon cas, ça me donne aussi les pieds froids (cf l’expression anglophone « to get cold feet » qui correspond à notre « se dégonfler ») : je me dis que tout ça est bien égotique tout de même et ça me crée de la crise existentielle. Mais je me réchauffe les pieds en faisant confiance au temps…
Parce que Jo, c’est un peu moi, mais pas tout à fait.
De moins en moins au fil des ans. Les écarts se creusent entre ce qu’elle vit et celle que je suis.
Et puis, Jo, c’est un peu moi, mais elle ne vit pas totalement ma vie. Sa vie est un peu mieux organisée déjà : il n’y a qu’à voir, elle se vit en chapitre. Un peu plus romanesque. Un peu trop idéalisée.
Jo, c’est une version de moi qui me permet de donner du sens à ce que j’ai vécu. Pas thérapeutiquement. J’ai été voir des professionnelles pour ça. Plutôt holistiquement. Je choisis un évènement et je le remodèle, réinvente, réforme, pour en faire un chapitre.
Pour résumer, Jo & moi, on suit des vies parallèles, jalonnées des mêmes rendez-vous, ou à peu près ; on a les mêmes ressentis, ou presque ; on rencontre les mêmes personnes, sauf qu’elles ne s’appellent pas pareil.
Mais Jo & moi, on a une différence majeure : elle n’existe que dans ma tête.
Si vous regardez mon historique dans ma barre de recherches Ecosia, vous trouverez l’intitulé suivant : « anatomie d’un stylo plume ». Preuve de la semaine que je viens de passer en résidence d’écriture au bord d’un poêle à bois.
Loin du monde, des coupes drastiques, arbitraires, expéditives, des budgets culturels qui remettent en question l’existence de Jo jusque dans ma tête puisqu’elles remettent en question ma profession.
Alors, pardonnez-moi, mais je vais retrouver Jo pour quelques heures supplémentaires, parce que sa vie sublimée par sa non existence réelle est beaucoup plus enviable que ce qui m’attend lundi.
Et, si nous venions, Jo & moi, à disparaître, allez donc regarder mon historique dans ma barre de recherches Ecosia, vous trouverez l’intitulé suivant : « anatomie d’un stylo plume ». Mémoire inaltérable, au moins jusqu’à la prochaine mise à jour, que nous avons bel et bien existé, elle & moi.

Justine T.Annezo – 1er février 2025 – GTM+1