Voyageuse Intempestive – « Ich liebe Berlin » #1

20 avril – 3h58. Alors que je marche d’un pas aussi bon que désespéré le long du Canal du Midi, mon bus, DAS bus censé m’emmener au coeur de l’Europe, me traverse sans s’arrêter. Malgré mes signes de la dernière chance, le chauffeur m’ignore et continue sa course vers Zurich, 1ère correspondance d’une longue équipée de 30h.
J’ai connu bien des faux départs, mais celui-ci est prodigieux, représentatif de mon présent qui s’essoufle, significatif d’un effet domino incompressible commencé 22h plus tôt.
19 avril – 6h30. Mon jour se lève sur une do list trop longue pour le temps imparti : ménage, tâches administratives, emplettes de départ, bagages et autres joyeusetés.
20 avril – 2h. Je rentre d’un extra, mes affaires n’ont plus qu’à être empaquetées.
2h34. Mon bagage est fait, je ne suis pas encore douchée et je dois marcher 48 min pour rejoindre la gare routière. Ça ne passera pas, je m’avancerai en voiture.
3h25. Assise face à mon volant, mon sac à dos côté passager, ma voiture refuse de démarrer.
3h30. Le standard des taxis toulousains est aux abonnés absents, je suis trop boumeuse pour me fier à Uber.
Mon manque de réalisme et ma pauvre notion du temps ont conduit à ma déroute : j’ai manqué de temps pour partir le cœur léger et le sac à dos bien accroché. J’ai donc 3 solutions : abandonner, changer mon billet, tenter le tout pour le tout. Avec mon obstination coutumière, j’opte pour la dernières alternative : je lève mon pouce dans la nuit… il suffit d’une voiture !
J’aurais peut-être dû abandonner tout de suite, lire dans ces écueils les signes d’un destin qui me pousse à l’immobilité… Et je reconnais m’être laissée tenter ! Si ce n’était l’hébergement non remboursable. Si ce n’était la marche de 2 km et ses autres perspectives. Je réserve donc un nouveau billet 4 heures plus tard et quelques (certaines d’) euros plus cher pour m’offrir le rituel de départ, vital, qui m’a manqué.
Pour prendre le temps de remettre chaque chose à sa place avant de partir. Pour ne pas laisser mon chaos derrière moi, sûre de le trouver inchangé à mon retour.
Pour embrasser pleinement cette nouvelle partance, cette imparfaite fuite en avant.
Le cycle de la vie est un phénomène curieux, ponctué de cette étrange sensation, avec les années, que d’eternels recommencements s’effilent, que des étapes de vie résonnent entre elles.

Un autre printemps déjà, il y a 9 ans (déjà? si peu?), je partais à la découverte d’un lieu d’inspiration d’écriture. Ce voyage a marqué une bascule, a révélé une partie de mon être endormi, a mis en branle une série d’effets papillon qui m’ont transformé les uns après les autres… et qui m’ont amenée ici, vers une autre partance, inconnue, à une autre correspondance inattendue.
Un autre printemps déjà, il y a 9 ans (déjà? si peu?), je me mettais en fuite, je me mettais en quête. Je reconnais entre mille le goût familier dans mon âme. Mais cette fois-ci, ma fuite ne me fait pas peur, elle ne se voile pas d’un éclat trompeur. Je pars, je me suis obstinée à m’embarquer dans un bus manqué, car j’accepte ce que ce départ comporte. J’ai besoin de l’espoir qu’il m’apporte, de la porte qu’il ouvre sur les possibles, de l’échappée à moi-même avec moi-même qu’il m’offre. Oui je pars, je fuis, et pour la première fois, je n’ai pas peur de revenir, je ne crains pas la déception.Oui je suis en partance, je suis en fuite, et je ne cherche ni à m’en cacher, ni à m’en excuser, ni à m’en justifier.
Je ne suis pas à la recherche d’un prétexte pour fuir ma vie de façon permanente, je suis en quête d’une version de moi à l’équilibre.
Je suis en quête de respiration, d’inspiration, pour redonner du sens à mon ici grâce à l’ailleurs que j’ai choisi pour ce périple.
Un autre printemps déjà, il y a 9 ans (déjà? si peu?), je faisais aussi escale à Paris, immortalisant ce passage dans un parc, étrenant mon voyage sur un carnet.
Et cette étape parisienne semble être le vrai départ, le moment où l’espace temps se transforme. Puisqu’aujourd’hui, je m’immortalise sur le banc d’un autre parc, sans compter les minutes, j’étrenne mes mots voyageur sur le papier de mon cœur. Et comme toujours c’est l’écriture qui m’envoie sur les routes, qui me poussent à l’ailleurs, qui me sert de prétexte au départ.
Il est des rendez-vous immanquables sur le chemin de l’aventure, de mon aventure, Paris est peut-être l’un des miens, catalyseur de mes premières compréhensions.

Justine T.Annezo – 20 avril 2025, en transit – GTM+2
Belle route Justine ! Et surtout belles aventures !!! ( tu es déjà une belle aventure à toi toute seule 🫶🏻)
Des bisous ÉNORMES 😘😘😘
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