Le jour où j’ai été membre du jury d’un concours national de théâtre

BILLET D’HUMEUR #17

Combien de rossignols ont ainsi chanté à travers les âges, dans la nuit ? Combien de rossignols humains, confiants et inspirés, sont morts avec cette éternelle et merveilleuse chanson sur les lèvres ? Combien d’autres mourront encore, dans la froidure et dans la souffrance, dans le mépris, la haine et la solitude, avant que la promesse de leur enivrante voix soit enfin tenue ? Combien de siècles encore ? Combien de naissances, combien de morts ? Combien de prières et de rêves, combien de rossignols ? Combien de larmes et de chansons, combien de voix dans la nuit ? Combien de rossignols ?

Désobéir ou Education Européenne de la Compagnie Maintenant que nous sommes là, d’après le roman de Romain Gary

Je viens de passer 48h de ma vie à Nancy… Pourquoi Nancy me direz-vous ? Parce que je n’y suis jamais allée déjà ! Mais surtout, parce qu’à Nancy, le Crous Lorraine organise le Concours National de Théâtre Etudiant et que j’ai eu le privilège d’être mandatée par Radio Campus France pour les représenter en tant que membre du jury cette année.

Evidemment, se retrouver jury d’un concours auquel, il n’y a pas si longtemps, on aspirait participer en tant qu’artistes, ça vous trace quelque ride du lion sur le cœur. Mais après tout, si j’ai l’âge et l’expérience d’enseigner le théâtre en école professionnelle d’arts dramatiques, il semblerait que j’ai l’âge et l’expérience de délibérer sur les talents de la nouvelle génération d’artistes.

Et, en dehors du fait que je me suis pris un p’tit coup de vieux – mais bon ça, ça reste dans la thématique de 2025 -, mes 48h à Nancy ont tout de même été assez extraordinaires ! Oui, oui, c’est possible !

(Bon, je vais faire une pause sur les blagues de mauvais goût sur la Lorraine, parce que les nancéens vont finir par mal le prendre et m’envoyer tout droit à Metz !)

Pendant ces 48h à Nancy, j’ai eu la sensation de réaliser un rêve que je ne savais pas avoir… C’est une expression que j’utilise beaucoup en ce moment et qui, peut-être, elle aussi est une thématique de 2025 à retenir ! Je pense qu’en disant cela, ce que je veux véritablement écrire c’est que, ces derniers temps, j’ai l’impression de me rapprocher d’une version idéale de ce que j’avais rêvé au niveau professionnel et par des moyens que je n’aurais jamais imaginés !

Car si on y réfléchit bien, si je me retrouve à passer 48h de ma vie à Nancy c’est parce qu’un jour, une crise sanitaire m’a obligé à réinventer mes créativités théâtrales en m’essayant au théâtre radiophonique…. Et de fil en aiguilles, on me propose d’animer le direct d’un plateau radio à la biennale du Théâtre de la Cité à Toulouse ; et d’aiguilles en bottes de foin, on me propose d’animer ma propre émission de théâtre sur les ondes ; et de bottes de foin en champs de blé, les chants des possibles s’offrent à moi par des chemins insoupçonnés… Cœur sur Campus fm !

Après, je ne vais pas mentir, ça n’est pas tous les jours faciles, surtout dans le climat politique, culturel, mondial actuel, il y a des jours où je me sens encore tellement loin de ce à quoi j’aspire, mais sur le plan professionnel, à titre purement individuel entre moi et moi-même, ils se font de plus en plus rares… Et pour moi qui aie cette désagréable sensation que ce que je désire est hors de ma portée, ce n’est pas peu dire !

Mais revenons à nos bouchées à la reine (originaires de Lorraine, vous l’aurez deviné)

Pendant 48h à Nancy, j’ai eu le plaisir de me faire un mini marathon théâtral en compagnie de personnes formidables pour découvrir des personnes toutes aussi formidables !

A la découverte des sujets abordés, j’ai été heureuse de constater que les 4 compagnies finalistes avaient des choses fortes à nous dire, qu’elles utilisaient le théâtre comme un endroit d’engagement. Je me suis immédiatement sentie proche d’elles, impatiente de découvrir leur façon à elles de les dire, d’entendre et voir ce qu’elles avaient à nous partager.

De les rencontrer en chair et en os, face à cette nouvelle génération d’artistes, je n’ai pas pu m’empêcher de penser : « Mais qu’est-ce qu’elles et ils sont jeunes (eh oui, il est là le p’tit coup dans l’aile !) ! Mais qu’est-ce qu’ils et elles sont engagé.e.s ! Mais qu’est-ce qu’elles et ils sont beaux et belles de cette audace ! » Mais je me suis interdite la platitude que j’ai entendue tant de fois à leur âge : « mais comment vous, si jeunes, vous intéressez-vous à ces sujets là ? » C’était déjà has been en 2013, ça l’est encore plus en 2025 ! Parce qu’elles et eux, si jeunes, n’ont pas d’autres choix que de s’emparer de ce monde qui se distord devant leurs yeux impuissants mais jamais passifs, ils n’ont pas d’autres options que de chanter l’espoir du rossignol pour essayer de sauver ce monde en décomposition, pour essayer de le comprendre, pour essayer de le transformer… Alors, à elles et eux, si jeunes, je n’ai qu’une chose à écrire : merci pour l’espoir, merci pour l’audace, merci pour l’urgence, merci pour les tentatives, merci de créer, merci d’être, merci de « faire ce que vous pouvez pour devenir ce que vous voulez ». Votre courage est terriblement inspirant !

Ainsi, pendant 48h à Nancy, j’ai eu l’occasion de me confronter à ce que la jeune génération d’artistes avaient à nous jeter au visage pour nous empêcher de nous ramollir l’espoir et de ternir nos résistances, nous le public et les 9 membres du jury. 9 personnes d’horizons physiques et culturels dissemblables mais toutes et tous réuni.e.s par la même appétence au théâtre. J’ai trop peu entrecroisé certaines, j’ai blagué avec les autres, j’ai pensé le théâtre avec les unes. J’ai pu profiter d’un espace hors du temps uniquement dédié au théâtre allumant le champs des questions sans réponses, des rêves pour demain, des rencontres qui ouvrent les yeux et le cœur. Moi aussi j’ai grandi, j’ai appris, j’ai cherché j’ai compris, j’ai réfléchi, j’ai ri, et je l’ai définitivement fait en bonne compagnie.

Ainsi, pendant 48h à Nancy, dont 3h40 de théâtre et 1h30 de délibérations au cours desquelles nous avons échangé dans la bienveillance, le respect et l’émotion, nous sommes toutes et tous arrivées à la même conclusion : le théâtre de demain est déjà là pour devenir celui d’aujourd’hui, il y a des maladresses à gommer, des répliques à ajuster, des scènes à préciser, mais la jeune pousse est là, tenace, prête à être arrosée, à prendre le soleil pour devenir une belle fleur du changement : de monde, de paradigme, de rêve, de demain….

Et pour finir cette longue chronique nancéenne par un dernier clin d’œil aux Lorrains, pendant 48h à Nancy, l’exploratrice en moi a aussi glané quelques joyeuses découvertes. Je me suis trouvée aux prises d’une rivalité locale entre Metz et Nancy au moins aussi forte qu’entre Bordeaux et Toulouse. Je me suis découvert un chauvinisme exalté reposant sur le cassoulet (alors que je n’aime même pas ça, mais il y a des erreurs de provenance à ne pas faire !), la Place du Capitole (qui n’est même pas ma place toulousaine préférée, mais, sans l’avoir vue, la place Stan était forcément moins belle) et le rugby (Stade Toulousain 4ever). Mais la chauviniste en moi s’est faite pardonner puisque, ce matin avant de quitter définitivement Nancy, entrant dans une boulangerie, j’ai frôlé la crise d’apoplexie en commandant, non pas une chocolatine, mais un pain au chocolat… Je ne sais pas si Toulouse me le pardonnera !

Et alors que le train m’éloigne de plus en plus de la place Stan pour me rapprocher de « ma » place du Capitole, il ne me reste plus qu’à chérir ces 48h de ma vie passées à Nancy, infiniment reconnaissante de ce précieux cadeau qui m’a été fait par celles et ceux qui m’ont fait confiance pour les représenter, par celles et ceux qui m’ont accompagnée dans cette aventure, par celles et ceux qui m’ont questionnée, bousculée, émue depuis leur endroit de théâtre. Et alors que le train m’éloigne de plus en plus de la place Stan pour me rapprocher de « ma » place du Capitole, je me sens incroyablement chanceuse.

Justine T.Annezo – 7 juin 2025 – GTM+2


5 réflexions sur “Le jour où j’ai été membre du jury d’un concours national de théâtre

  1. Hey Fraulein, de retour sur les planches. J ai partagé le pain et le champagne avec ta mother et une des frangines Broentes. Sarah la biblique. Mais non darling pas  besoin de droit de réponse c etait juste une provoc rouquine pour te faire sortir  de ce spleen de jeune fille en fleurs. Belle ecriture mais je te le répète envoie la sauce on ecrit tjrs pour les autres et jamais pour soi les etats d âme ca va pour Dame Bovary. Par contre carton rouge à  la big family qui a zappé le deuxième opus des meufs in the revolution j aurais été du voyage. Adelante  comme on dit chez moi à stgo de cuba. Mea culpa maxi mea culpa si j ai été impertinent et peut être fais du mal à notre belle auteure. c etait pour rire. Kiss and love. Bogos

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