Le combat des mots

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Parfois les mots font de la résistance, ils refusent de s’ordonner, de s’assoner ; ils ne pensent qu’à être banals, insignifiants. Ils s’excusent d’exister, ils rechignent à s’exécuter.

Cette semaine, les mots m’ont manqué. Ils se posaient au hasard de mon clavier. Détachés. Partiels. Indomptables. Ils avaient autre chose à faire que de traduire mes histoires, que de souscrire à mes inspirations. Ils répugnaient à devenir Jo, cette version de moi qui n’existe plus, qui n’a jamais existé, mais qui se nourrit aux mêmes racines.

J’aurais voulu leur tordre le cou mais à la place, je les ai laissé à leur rébellion pour dessiner des contes sans eux et je me suis réfugiée dans la musique. Dans la musique de celle que j’étais et que j’avais perdue de vue, de celle que j’écrivais et qui refusait que je la peigne. Et soudain, les harmoniques, comme par magie, m’ont ramené à une époque, à un état, à une version oubliée de ma vie. Celle qui devait influencer mon personnage. Ma Jo. Elle m’a fait vibrer des sensations que je n’arrivais pas à traduire ligne après ligne, page après page.

La musique choisie précisément et minutieusement m’a rempli d’Irlande, m’a enflé de mes rêves d’aventures passés, m’a gavé de la fuite élégiaque qui me tenaillait. Pour pouvoir raconter mon départ à nouveau, ou plutôt celui de Jo. Pour me reconnecter à ce qui poussait celle que j’étais, afin qu’elle devienne celle que je suis en train d’inventer.

Elle m’a replongée dans la mélancolie de l’automne, dans les murs d’un autre appartement, dans le brouillard de mon ancienne vie.

La musique m’a basculé dans un état qu’il m’était plus facile de transcrire même si les mots, toujours, faisaient de la résistance.

Et de cette réconciliation avec Jo, j’ai pu faire naître mon dernier personnage. Ma nouvelle compagne de voyage. Alwilda. L’exploratrice Viking. Inventée de toutes pièces celle-ci. Par cette rencontre, j’ai trouvé de nouveaux chemins, je suis passée du elle au je, j’ai transformé des morceaux de romans en extraits de journal de bord. La faire parler en je m’a libérée. Un peu. Les mots restaient toujours coincés mais ça m’a affranchie pour la suite. Même si je ne le sais pas encore.

Cette semaine, j’ai fait de l’écriture mais je n’ai pas écrit. La plupart de mes mots flottaient dans mon esprit. La plupart de mes histoires se racontaient dans mon cœur. Je n’ai pas écrit beaucoup d’heures et pourtant, je me suis sentie avancer dans l’invisible, je me suis sentie me rapprocher de ma destination. J’ai donné de la nuance, du volume, de la simplicité… Et même si les mots venaient à manquer. S’ils livraient un combat contre eux-mêmes. S’ils faisaient leur crise d’adolescence. Je n’avais pas peur de leur absence, de leur défiance. Je savais que ce n’était pas l’heure et qu’en attendant, autre chose se racontait.

Justine T.Annezo – 26 octobre 2025 – GTM+2


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