
Jon est né à l’Ouest de l’Islande, non loin d’une base militaire américaine. C’est comme ça qu’il a appris l’anglais. Sur la péninsule de Snæfelsnes où vivent aujourd’hui ses parents. Où ils ont toujours vécu ? Peut-être. Je ne me souviens plus. Je ne suis plus tout à fait sûre. J’ai un trou dans la mémoire. Jon est né quelque part en Islande et aujourd’hui, il parle sept langues étrangères. Jon a visité l’Europe en stop dans les années 1970. Jon chérit chaque centimètre de son île glacée dont il devient le guide de quelques voyageurs fortunés quand on le lui demande. Jon est tombé amoureux de la photographie il y a quelques années, il s’est alors rendu compte qu’il avait le don de remarquer le détail qui ferait l’originalité de chaque photo. Et sa terre natale lui offre des trésors de particularités à immortaliser sur écran glacé, donc Jon voudrait s’acheter un van qui deviendrait sa maison et alors parcourir indéfiniment toutes les routes islandaises que ses photos subliment. Et sur la clé de cette maison de voyage se suspendrait un macareux joyeux, souvenir de mon passage.
Mais pour l’heure, Jon a abandonné sa voiture qui a rendu l’âme quelque part au creux d’une chaîne volcanique de Reykjanes. Pour l’heure, Jon ne peut être nomade mais il accueille n’importe quel voyageur dans son foyer éphémère. Jon fut donc l’hôte extravagant d’une partie de mon Islande. Jon est un géant au sourire barbu et aux yeux malicieux, aux connaissances exponentielles et au cœur tout aussi exponentiellement généreux. Jon est haut en couleurs et en caractère ; de son rire tonitruant et de sa voix gravement douce, il m’a raconté ce que j’ignorais de l’Islande. C’est à dire tout. La fêlure de Pangée. Le volcan de 1783 qui a changé le visage du monde. Les mystères géologiques de chaque recoin glacé. Il m’a montré les visages des pierres, les légendes du Nord, et je ne peux plus à présent regarder un paysage islandais sans y deviner les elfes et les trolls qui se sont cachés dans les reliefs. C’est Jon qui, le premier, m’a révélé le conciliabule des trolls figés à jamais dans la roche endormie car surpris à la fin de la grande nuit de l’hiver par le soleil d’été ; qui m’a expliqué que, comme toute légende, les mythes islandais étaient nés de la nécessité d’expliquer l’inexplicable, de comprendre l’incompréhensible. Il y a bien longtemps, le paysage islandais était un panorama insondable que seule la magie des Trolls et des Elfes pouvait raconter. Et aujourd’hui, même si les géologues pourraient m’expliquer scientifiquement toutes les couches de lave et pourquoi les cendres se sont un jour élevées sous la forme d’un chateau ou d’un géant, je leur préfère largement les rêveries de Jon. Et les miennes.
Jon pouvait me faire visiter l’Islande de son salon, en deux dimensions sur Google Map, ponctuant alors mon voyage prochain de multiples conseils avisés. Jon me prêta un équipement de camping, me donna des idées d’itinéraires et se fit l’elfe bienveillant de mes vadrouilles.
Ainsi, si comme moi, l’Islande est peu trop exigeante pour votre porte-monnaie, si comme moi, il vous plaît de découvrir un pays sur les lignes du visage des gens qui le définissent, je vous invite à rendre visite à Jon pour une nuit ou plusieurs, et à vous laisser transporter par ce conteur infatigable.
Ainsi, si vous avez les moyens, contacter Jon et faites de lui votre guide attitré pour une Islande en pierre et en lave, intime et authentique, et laisser vous émerveiller par ce curieux connaisseur.
Car mon Islande n’aurait pas été la même sans le sourire de Jon, sans sa polaire rouge à carreaux et sa pipe à tabac.
