Au coeur de l’espérance

Depuis combien de jours depuis combien de nuits depuis combien de temps était-elle enfermée là ? Dans l’antre grise des quatre murs de son âme. Elle avait compté les jours elle avait compté les nuits, puis elle avait perdu son compte. Ne reconnaissant plus ni le jour ni la nuit entre les interstices de son séjour.

Effrayée. Prisonnière. Kidnappée. Elle avait lutté, crié, pleuré. Espérant que quelqu’un quelque part entende sa détresse. Que quelqu’un quelque part la délivre de ce couloir de l’oubli. Son bourreau n’avait rien arrangé… Son râle moribond habitait les jours de tempête.

Quand tout en elle était fait pour la lumière…

Puis elle avait fini par s’habituer. Occultant sa condition, sa Cailleach ennemie, elle s’était recueillie en elle-même, elle avait mis ses peurs et ses attentes sur pause pour embrasser cette nouvelle ombre.

Mais alors, le son de sa prison de pierre n’avait plus la même texture. Quelques souffles passaient entre les interstices, un rai de lumière vint même à percer. Une lumière blanche, indistincte, irréelle… Une lumière qui avait un air de liberté.

La jeune captive, hypnotisée, se mit à suivre cet espoir dans sa pénombre éternelle. Tâtonnant, elle trouva la sortie, éblouissante, froide et dure. Elle redécouvrit la nature qu’elle avait abandonnée depuis combien de jours depuis combien de nuits depuis combien de temps. Son cœur se fendit devant la terre stérile, les arbres nus, les nuages blancs et les perce-neiges. Son cœur se fendit de joie et de douleur. Elle était libre dans la nature endormie. La nature endormie était sa liberté.

Dans le silence de ce jour sans fin, de cette nuit sans début, elle mit le plus de distance possible entre elle et la grotte de la Cailleach par peur que la sorcière ne change d’avis et ne l’enferme pour combien de jours pour combien de nuits pour combien de temps. Dans le silence de ce jour sans fin, de cette nuit sans début, ses pieds nus fendirent la terre gelée qui se réchauffait au contact de sa foulée. Son souffle printanier diffusa sa magie alentour, la sève circulait à nouveau entre les rainures de l’écorce, le lapin sortit timidement sa truffe refroidie. Serait-il l’heure de courir dans les champs ?

L’air froid piquait à fleur de peau sous sa fine robe blanche mais la jeune fille coursait sa liberté foulant la plaine nue, embrassant l’espace en éveil alentour après la rigueur de la pierre grise. La Terre se réveillait alors qu’elle revivait. La Terre se réveillait invisiblement alors qu’elle revivait ostensiblement.

Car Brigit était enfin libre. Car Brigit avait échappé à la Cailleach !

… pour l’infinité des jours pour l’immensité des nuits pour un temps illimité.

Inspiré des légendes celtiques sur l’emprisonnement de la déesse Brigit par la Cailleach,
symbole du début de l’hiver, et sa libération au moment du printemps celtique

Justine T.Annezo – 3 février 2024 – GTM+1


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