VOYAGEUSE INTEMPESTIVE – Ep. 5

« Cet été, c’est promis, j’écris mon roman ! »
Il y a une dizaine de jours, j’affirmais ne (presque) pas partir en escapade estivale pour me consacrer à l’écriture de mon roman.
Et j’ai (presque) tenu parole parce qu’en réalité, l’écriture c’est déjà un voyage * : ça fait trois semaines que je me balade aux côtés de Joséphine, Louise, Molly et Oneida, sans avoir quitté mon bureau. Ou presque.
Avec Louise, je me replonge dans les méandres de l’entre-deux guerres, dans les troubles de l’Occupation, mais au cœur du Marais Poitevin. Je retraverse les conches, les rigoles et les ports que j’ai explorés au printemps. J’entends le chant des peupliers dans le vent, j’écoute les conversations des grenouilles à la nuit tombée. Je sillonne les eaux troubles et mystérieuses que les saules pleureurs bercent de leurs sanglots.
Avec Molly, je retourne sur mon île préférée, le cœur empli de vert et de bière, alors qu’elle vivait le ventre vide et l’âme rebelle en pleine Grande Famine. Je réexplore le Burren, ses champs de pierres blanches qui tombent à pic sur l’océan. Je retrouve Cork que j’ai tant aimé, flânant le long de ses quais au soleil couchant, hésitant entre la musique enveloppante du Sin é ou la terrasse illuminée du Franciscan Well Brewery & Brewpub. Je guette l’appel des embruns qui me fouette l’âme dans le clair obscur de la brume celtique. En un paragraphe, je m’envole vers l’Irlande.
Avec Oneida, je me souviens de la Péninsule Olympique aux temps des légendes et avant l’arrivée de l’Homme Blanc. Je me reflète dans ses eaux grises et sinueuses, je me perds dans ses forêts verdoyantes et infinies, je m’affranchis sur ses plages sauvages et indomptées.
Avec Joséphine, je redécouvre mon propre pays, ma propre ville, mon propre présent.
Et je suspends donc mon clavier pour reprendre mon stylo…
Contemplative au bord d’un Spritz et de la Garonne (d’accord, j’avais parlé de bière mais, ce soir, je suis plus d’humeur Apérol que houblon), je m’attable à mon mini carnet de sac à main, celui qui tient dans la paume de ma main. C’est un peu la version « baise-en-ville » du carnet… Vous savez, le baise-en-ville, cela peut être cette petite trousse de « secours » qui contient, au hasard et selon la taille du sac à main, déodorant, brosse à dent, culotte, tampons, pastilles à la menthe, et capotes pour les plus joueuses, petite trousse un peu fourre-tout que l’on glisse dans ledit sac à main au cas où. Donc là, c’est le mini carnet qui rentre dans mon sac à main quand je n’ai pas prévu de laisser mes errances se poser sur le papier et que j’appellerais pour les besoins de cette prose un « écrit-en-ville ».
Je sors donc mon « écrit-en-ville » pour y jeter mes pensées, me délectant de mon été toulousain, savourant cette soirée ordinaire dans la ville que je connais par cœur mais à laquelle j’applique, émerveillée et libre, toutes les errances joyeuses de mes ailleurs.
Ce soir, vagabondant mes rues familières, dessinant les périples d’autres voyageuses, je me sens en voyage chez moi.

Justine T.Annezo – 17 août 2024, Toulouse – GTM+2
* C’est d’ailleurs comme ça que j’ai décidé de faire évoluer mes écrits sur cette toile (jusqu’à l’extrapoler en compagnie de théâtre).