Le Besoin d’être lue

BILLET D’HUMEUR #13

Depuis plusieurs semaines, mois, années, je m’interroge sur la reconnaissance.

Ce besoin que l’on a tous plus ou moins en soi.

Si, en 15 ans d’expérience théâtrale, je commence à être reconnue par certaines et certains, il y a tout de même un pas qui ne se franchit pas totalement. Une sorte d’amours récalcitrantes, de détestations doucereuses, envers certaines institutions, fonctionnements, personnalités, qui me laisse à penser que la frontière ne s’élève pas forcément du côté que l’on pourrait croire.

Pour ce qui est de mon activité d’auteure, en revanche, les statistiques étaient implacables : des dizaines de refus de la part des maisons d’éditions (ce qui est déjà beaucoup trop) et autant de visiteurs par jour sur cette toile d’écriture (ce qui est loin d’être assez) .

Et pour les lecteurs, j’en connaissais au moins 3, dont ma super copine Anne-So qui m’envoie toujours un commentaire gentil quand ça lui a plu et qui, par ces petites paillettes, rebooste toujours mon envie d’écrire ici. Et 7 inconnus : que je ne connaissais pas ou qui ne se faisaient pas connaître.

Je dois avouer que les choses se sont un peu améliorées depuis Noctambulisme, puis ont vraiment fait péter les scores (au moins sur les réseaux !) avec Le premier jour du reste de ma vie. Et que les mots d’ami.e.s et d’inconnu.e.s qui ont suivi ont reparsemé de sens toutes ces phrases mises bout à bout.

Malheureusement, malgré ces petites pépites qui forment peu à peu un joli chemin vers la reconnaissance, ça n’est pas encore assez… Moi aussi j’aimerais plus jouer dans des théâtres conventionnés. Moi aussi j’aimerais que mes textes de théâtre puissent être mis en scène par d’autres que moi. Moi aussi j’aimerais savoir que toutes les pages word qui s’accumulent sur mon ordinateur finiront dans une maison d’édition qui croit en moi.

Je n’ai pas nécessairement besoin d’être connue, mais plutôt d’être reconnue…

Mais, en parallèle de tous les doutes plus ou moins quotidiens qui me tiennent compagnie sur la qualité de mon travail, s’impose une myriade d’interrogations qui viennent remplir ce « pas assez » : ai-je vraiment envie d’être reconnue dans un monde que je ne reconnais pas ? Ai-je véritablement besoin d’obtenir la validation d’un monde que je ne valide pas ? N’ai-je pas peur d’être associée aux dérives de ce monde s’il se met à mettre son sceau d’approbation sur moi ? Et plus largement, suis-je prête à accepter les règles du jeu de cette reconnaissance à laquelle j’aspire tant ? Accepter ces règles ne serait-il pas synonyme de me perdre en cours de route ? Mon besoin de reconnaissance serait-il prêt à signer ce pacte avec le diable ?

J’ai bien peur que non !

Je connais trop ma porosité pour être acceptée par un monde que je n’accepte pas, je crains trop de me fondre dans ses défauts, d’être associée à ses dérives, alors que je sais, fondamentalement, qu’on peut aussi lutter de l’intérieur, que c’est même parfois de l’intérieur qu’on le fait le mieux…

Je me refuse cette reconnaissance tout en n’aspirant qu’à elle. Cette approbation publique qui prouverait enfin que je suis vraiment une fille bien qui mérite d’être lue.

Forte de ces constats, je me dis que, finalement, comme souvent dans la vie, c’est probablement moi qui fais ce pas de côté, c’est moi qui rejette le monde plus que lui qui ne m’accepte pas. Le cœur rivé à mon idéal.

Et c’est tant mieux !

Et en attendant que je reconnaisse et valide le monde qui me refuse, j’essaime, fidèle à qui je suis, des mots derrière moi dans l’espoir d’aider à transformer ce monde inacceptable pour qu’enfin nous nous reconnaissions.

Justine T.Annezo – à un moment pas donné entre le 13 octobre et le 17 décembre2024 – GTM+1


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