VOYAGEUSE INTEMPESTIVE – « Ich liebe Berlin » #4

Je pars de bonne humeur mais pas de bonne heure, c’est le 3ème matin et je n’ai (presque) pas besoin de me fier à un plan pour répondre à l’exploration de ma journée. Je reconnais les rues, je sais me repérer dans l’espace, la ville ne me paraît (presque) plus si immense, le MITTE – dont je n’ai pas encore décidé s’il était mon « kiez » ou pas – n’a (presque) plus de secret pour moi.
Après un détour pas tout à fait orthodoxe par la Brandebourg Tor, symbole de la joie de la réconciliation – ultra touristique – et un coucou à l’ambassade de France, j’arrive finalement à Checkpoint Charlie, le seul point de passage de l’époque entre l’est et l’ouest (les autres étant des portes d’entrée/sortie entre West Berlin et l’ex RDA puisque c’était Berlin Ouest qui était emmuré même si l’objectif était de garder Ost Berlin à l’est justement).
Checkpoint Charlie, c’est encore plus touristique que la porte de Brandebourg… J’étouffe, je ne sais par où commencer, submergée par les panneaux, les informations et les gens qui se prennent en photo entre 2 morceaux de mur ou devant le poste de contrôle et d’époque, avec des poses plus ou MOINS de circonstance. On est loin de la sobriété de lundi au memorial.
Pourtant, c’est ici, soudain, au milieu de cette foule anonyme que je suis prise d’une émotion insubmersible.
« Lasst uns rein«
C’est à Checkpoint Charlie que les Berlinois, Berlinoises se sont rués dans la nuit du 9 novembre 1989 après la bourde libératrice de Gunter Shabowski (pris au depourvu, il a annoncé que les citoyens de la RDA etaient libres de traverser les frontières, le mur de Berlin étant considéré comme tel, alors que rien n’avait vraiment été décidé dans ce sens-là). C’est là que la réunification a commencé…
« Lasst uns rein«
Devant les photos des foules rassemblées et pacifique à la porte fermées, devant les gardes frontières indécis, devant ces mots si simples « let us in« , les larmes m’etreignent le cœur.
Pourquoi ici et pas au memorial où tant de gens sont morts en essayant de passer à l’Est ? Et pas à la porte de Brandebourg où la réunion a eu lieu en plein jour ? Parce que c’est ici que le mouvement du peuple a fait foi, c’est ici que la puissance du collectif demeure, c’est ici que tout commence et que tout finit, c’est ici l’espoir contre la fatalité. Un peu comme ce souvenir des familles qui se faisaient coucou à travers le mur.
« Lasst uns rein«

Mon émotion en baluchon, je poursuis mes pérégrinations le long d’une portion du mur qui a été conservé entre la Topographie des Terrors, musée sur l’organe répressif du régime nazi en lieu et place de l’ancien QG de la gestapo, et l’ancien Ministère de l’air du IIIème Reich, construit par notre bon vieux Hitler. Encore une tranche d’histoire horrible à explorer, celle pour laquelle je suis venue, mais pas aujourd’hui…
La Seconde Guerre mondiale attendra, je me rends à Postdamer Platz, autre témoignage architectural de la régénération de Berlin après tant de crevasses en son cœur. Une nouvelle portion du mur marque sa cicatrice du souvenir, mais les buildings tous plus transparents et géants les uns que les autres annoncent définitivement le passage vers l’ère de demain.
Surplombée par ces tours miroitantes et futuristes, je vais m’allanguir sur une butte herbeuse que j’imagine, à tort, être le souvenir du no man’s land autour du mur, avant de poursuivre mon marathon des musée à la Neue Nationalgalerie et de découvrir la version communiste du manifeste artistique berlinois : le Kulturforum.

Puis, enfin, après m’être protégée de la pluie et gorgée d’art de jadis à aujourd’hui, j’erre joyeuse le long de la Spree profitant d’une éclaircie, faisant étape pour une bière bien-sûr, au son de la vie berlinoise qui s’éveille avec le printemps.
Après 3 jours d’exploration, je me rends compte que je ne connais rien de l’ouest. J’y ai à peine mis le doigt de pied lundi, je l’ai longé cette après-midi, mais l’Ouest attendra un vélo pour de plus larges aventures…

Justine T.Annezo – 23 avril 2025, De Brandebourg Tor à Postdamer Platz, Berlin – GTM+2











