A la conquête de l’Ouest islandais

Que doit-on faire lorsqu’on est perdu dans une forêt en Islande ?
Réponse : Se mettre debout.

Blague islandaise

Lorsqu’il m’a fallu un peu envisager ce qui occuperait mes dix jours islandais, j’avais parfaitement conscience que je ne pourrais pas explorer l’entièreté du pays avec les moyens de transport pour lesquels j’avais optés : covoiturage du site couchsurfing et en stop. Et ma priorité était aussi d’échapper aux hordes de touristes dont le nombre prend le dessus sur la population locale sur l’île toute entière, et particulièrement au Sud, pendant les mois d’été. Ainsi, après une tentative avortée vers l’Est et les Highlands, j’ai suivi les conseils islandais et j’en suis restée à ma première intuition, me tournant vers l’Ouest qui avait bien suffisamment de trésors à m’offrir, avec pour apogée absolument incroyable et renversante les Fjords du Nord-Ouest, morceaux de terre gardant les secrets de la mer en leur sein, conversant avec les dieux sur leurs éminences, portant les origines de la Terre en leurs entrailles.


JOUR 1 : Reykjavik

J’arrive en début d’après midi, je vagabonde au gré des rues qui s’éparpillent en épi de la rue principale, Laugavegur, et qui offrent au ciel bleu leurs petites maisons hautes en couleurs. Et sur la promenade de bord d’océan, je me laisse époustoufler sans le reconnaître par le Mont Esja de l’autre côté de la baie, pensant que j’irai le randonner un jour au cours de mon séjour, mon destin islandais a pris d’autres tournants mais je recommande d’intégrer cette bouffée d’air frais à n’importe quelle escale à la capitale.

JOUR 2 : Reykjavik

Je me montre alors plus directive avec mes projets, après un bon petit déjeuner, je me rends, traversant le bel étang de Reykjavik, au Musée National d’Islande afin d’en apprendre plus sur cette contrée qui m’est alors totalement étrangère. Puis, après de nouvelles errances dans la ville, dont un arrêt entre les anciens murs du peintre Ásgríms Jónsson, je traverse le grand parc au sud de Perlan pour aller faire trempette à Nauthólsvík, la plage géo-thermale de Reykjavik (une bonne demi-heure de marche, possible de s’y rendre à vélo et en profiter pour longer toute la côté de la ville) : un petit bain chaud avec vue sur la mer qui nous tend les bras si on a le cœur de se plonger dans les eaux fraîches de l’Atlantique Nord.
Je dois reconnaître que je n’ai pas été transcendée, aussi bien par le cadre (on fait face à la zone industrielle de l’autre côté de la baie) que par la baignade en elle-même, mais ce fut une arrêt bienvenu pour mon corps endolori du sac à dos. Et ce que je retiendrai particulièrement, c’est l’absence de pudeur islandaise ! J’avais un peu le cerveau retourné, confondant réalité et légende, après avoir lu sur un panneau du musée que les Islandais avaient jadis l’habitude de dormir tous nus dans une seule pièce, mais revoyant mes us et coutumes du pays, j’ai constaté que je ne m’étais pas trop trompée. Car quelle ne fut pas ma surprise en arrivant dans le vestiaire des femmes, de constater qu’il n’y avait pas, comme dans nos piscines françaises, un petit habitacle privé, mais une unique et immense pièce commune, et que tout le monde se baladait et se douchait en tenue d’Eve… Il m’a fallu durement retravailler ma souplesse pour garder un brin d’intimité alors qu’il y avait en fait trois cabines privées bien cachées dans un coin ! Donc tenez-le vous pour dit : soyez préparés à voir beaucoup de chair islandaise.


JOUR 3 : Randonnée de Glymur (et autres cascades…)

Me voilà enfin en dehors des murs de la ville, prête à jeter mon premier regard élargi sur la nature islandaise à moins d’une heure au Nord de Reykjavik, accompagnée de Mister Waterfall et trois autres demoiselles. Nous serpentons entre les monts des volcans, faisons des arrêts à quelques cascades plus ou moins secrètes, notamment þórufoss qui servit de décor à Game of Thrones, et nous allons randonner l’immense Cascade de Glymur qui offre un panorama incroyable sur le Fjord des baleines. Au retour, on s’arrête à une petite source d’eau chaude absolument charmante, qui servit dans les temps anciens à baptiser les Vikings nouvellement chrétiens et dont je suis absolument incapable de me souvenir le nom. Nous contemplons enfin la cicatrice de la dérive des continents au Parc National de Þingvellir.

Helgufoss

JOUR 4 : Péninsule de Reykjanes

Au sud de Reykjavik, la péninsule est pour n’importe quel voyageur arrivé par les airs, la première vison que l’on a de l’Islande. En ce quatrième jour, toujours sous la houlette de Mister Waterfall, je m’occupe de la découvrir plus précisément en marquant un premier arrêt au lac de Kleifarvtn, aux alentours duquel on peut trouver un bain de boue – formellement interdit de s’y baigner évidemment – (un petit chemin de terre sur la gauche après le lac) et sur lequel je rencontre un rocher qui ressemble étrangement à une tête d’Amérindien avec sa coiffe de chef. En chemin sur les falaises de Krisuvikurberg, je peux voir s’élever les vapeurs de Krýsuvík sans m’y arrêter, et celles de Gunnuhver qui me racontent la légende du fantôme Gudrun Onundardottir surnommé Gunna, cruel vengeur de son propriétaire après avoir été expulsé de son logis. Puis, j’explore un morceau de terre étrange qui s’élève au-dessus de l’océan et menace de s’effondrer sur les rives de Valahnúkamöl, avant de faire un pont entre l’Amérique et l’Europe à Miðlína et de jeter un dernier coup d’œil sur l’immensité des champs de lave du haut du cratère de Stampar.
Je ne m’arrête pas à Skátalaug mais j’aurais bien aimé me délasser dans cette source chaude.


JOUR 5 : Péninsule de Snæfellsnes

Il paraît que la péninsule de Snæfellsnes contient tous les paysages islandais réunis sur son tout petit morceau de terre, quelle chance pour moi puisque je n’ai pas le temps de faire le tour complet de l’île. Evidemment, cela reste une destination très touristique et il faut faire certaines contorsions (et concessions) pour faire abstraction des sites surpeuplés.
Je fais d’abord halte à Ytri Tunga pour embrasser quelques phoques sur le bout des moustaches (ne suivez pas la foule, allez à gauche, vous les aurez rien que pour vous), et, après une petite prière à Búðakirkja et une halte aux Gorges de Rauðfeldsgjá (magistrales mais un peu trop grouillantes de monde à mon goût), je tente de retrouver Fionn Mac Cumhal* de l’autre côté de la Chaussée des Géants alors que j’arpente les Falaises d’Arnastapi (au croisement, vous pouvez aller à gauche, courte ballade choisie par la majorité, ou à droite qui retrouve son caractère sauvage au fil de la marche et qui a bien-sûr ma préférence).

Mes coups de cœur de la péninsule
Londrangar et la plage de Djúpalónssandur

Soudain la nature exalte son âme d’artiste absolu et livre à mes yeux rêveurs d’humaine des sculptures de roches et de laves qui dévalent vers les océans… Parfaits refuges des Trolls et des Elfes dont l’Islande a peuplé ses légendes.

J’oublie de m’arrêter aux sources chaudes de Landbrotalaug mais ça donne vraiment envie. Puis je stoppe finalement mon élan à Stykkisholmur, prête à prendre mon bateau vers Flatey Island le lendemain, passant la nuit au camping de la ville : très bon rapport qualité-prix, même si la douche est en fait à l’extérieur ! Ils sont fous ces Islandais !


JOUR 6 : Flatey Island

Au petit matin frais, je prends le bateau, Cap sur Flatey Island. Cette île minuscule, dont le nom fait référence à son terrain plat qui détone parmi les éminences volcaniques islandaises est une réserve d’oiseaux (mignons macareux, très élégants mais plutôt agressifs sternes arctiques…) où les petites maisons colorées nous parlent d’un autre temps. On peut en faire le tour en une journée – aucun paysage spectaculaire ni geyser de lave, juste une agréable balade ventée aux cris des mouettes – et reprendre le bateau en milieu d’après-midi, soit pour s’avancer vers les Fjords, soit pour revenir d’où l’on vient. Je préfère y passer la nuit, il y a un camping gratuit (toilettes et prises électriques mais pas de douche) afin d’apprécier une petite pause hors du temps et du monde.


JOUR 7 : West Fjords

Au deuxième petit matin, je reprends donc le bateau direction Brjanslaekur. De là, n’étant pas très loin de la source chaude presque naturelle d’Hellalaug (le cadre est naturel, magnifique vue sur l’océan, mais a été aménagé par quelqu’un du coin), je décide de marcher pour rejoindre ce petit bout de paradis. C’est une ballade d’une bonne heure (6 kms), on peut presque toujours longer la mer sur un petit sentier parallèle à la route, quand ce n’est plus possible parce qu’on ne distingue plus le tracé, il suffit de retourner en bord de route pour avoir une vision d’ensemble. Attention ! Il y a deux Hellalaug sur Google map, dont l’un qui est en fait une petite maison, c’est celui-ci qu’il faut choisir : « Hellalaug, Vestfjarðarvegur, Flókalundur, Islande ».
Après mon bain islandais, j’hésite longuement entre faire du stop et marcher, j’opte pour mes pieds, pensant que je ferai du pouce si j’en ai marre ! Grossière erreur ! Contrairement à d’autres endroits, les routes islandaises qui n’ont pas ou peu de bas-côté, ne permettent pas de faire du stop n’importe où. Ainsi, une fois que j’ai joyeusement quitté le parking de l’hôtel Flókalundur, je n’ai pas d’autre choix que de marcher jusqu’au prochain parking qui fait face au port où j’ai accosté au matin, pour faire du stop et me rendre à ma prochaine destination. Après trois minutes d’attente x 2 et deux carrosses, je me tiens finalement sur les falaises tourmentées de Látrabjarg. Si, comme moi, vous y allez pour voir des falaises et que vous avez déjà croisés des macareux sur Flatey Island, et qu’en plus, il fait un vent à décorner un bœuf comme dirait ma mère, vous serez déçus. Sinon, c’est une belle ballade au point le plus à l’Ouest de l’Europe.
Après cela, le soleil commence lentement à rejoindre l’horizon et j’opte pour le camping gratuit de Karnafit, qui contient les vestiges d’un ancien campement de pêcheurs jadis occupé pendant les mois d’été, offrant toujours aujourd’hui un magnifique coucher de soleil sur l’océan, une solitude absolue et réconfortante.

JOUR 8 : West Fjords

Partant du principe que je suis au point européen le plus à l’Ouest et au bout du chemin de ce premier Fjord, il me faut être très patiente (une bonne heure d’attente) et tenace (attaques répétées des sternes du Nord**) pour rejoindre ma première escale de la journée : la Plage de sable rouge de Rauðisandur. Là encore, légère déception. C’est très beau, mais je pense que cela a souffert d’une surenchère en amont, plaçant mes attentes trop haut. Cependant, j’ai au moins le plaisir de contempler les falaises de Látrabjarg au loin et je suis heureuse de me promener au milieu des marais.
Après cette première exploration, après une halte à Bíldudalur pour acheter des chaussettes à une dame qui les tricote sur son perron et après une longue attente d’une heure pour trouver le prochain compagnon de mes serpentes islandaises, les West Fjords ne sont qu’une succession de panoramas époustouflants et de couleurs hypnotisantes, dont notamment une belle escale le long des chutes d’eau de Dyjandi.
Je pourrais m’arrêter aux bains chauds de Pollurinn mais j’oublie, ou à ceux de Reykjafjardarlaug mais ils ne m’emballent pas vraiment, alors je finis au camping de Þingeyri qui est un peu plus cher que la norme (2330 ISK/17€, ne vous fiez pas au montant affiché, ils y ajoutent les taxes) mais est vraiment très agréable à deux pas d’une plage de sable sombre.
A la fin de cette journée, je chéris tous les Islandais qui m’ont envoyée vers cette aile isolée de l’île et je recommande à quiconque qui se rend en Islande de ne pas se laisser effrayé par les chemins cahoteux afin de donner une chance à ces paysages saisissants. Je me suis moi-même complètement laissée porter par les routes sinueuses qui nous emportent très haut auprès des glaciers et qui nous dévalent au plus près de l’océan calme, jamais lassée par l’innovation redondante de chaque nouvelle vallée.

JOUR 9 : West Fjords

Il fait étonnamment doux au creux du Fjord de Þingeyri au petit matin mais une fois le tunnel d’Ísafjörður dépassé dans la voiture d’un pêcheur islandais, le soleil a disparu et je sens bien que le vent du Pôle s’est levé. La principale ville des Fjords est chouette, elle arbore les mêmes cottages colorés que la capitale et offre notamment un beau réseau de ballades et/ou randonnées sur les hauteurs alentours (renseignements à l’office du tourisme). Pour ma part, j’opte pour la cascade qui descend depuis la station de ski en partant du centre ville. Le début manque un peu d’exotisme car on se sent encore « en ville » même si l’on traverse l’une des minuscules forêts islandaises et que cela nous offre un beau panorama sur les fjords, mais plus on grimpe et plus on se sent près de la nature. Attention, la portion auprès de la chute d’eau est très (très) pentue, voire glissante dans la descente.
Puis, il est temps pour moi de redescendre vers Reykjavik pour être sûre de pouvoir prendre mon avion dans deux jours. Je serpente l’autre côté des West Fjords qui rapetissent au fur et à mesure que l’on s’éloigne du Pôle, mais pas suffisamment pour ne pas garder de leur prestance. Je fais halte au camping de Laugar pour la nuit : même s’il est le point de départ de quelques ballades en montagne, je ne le recommande pas vraiment car il faut payer un supplément pour avoir accès à la douche (ça n’est pas très cher 1200 + 700 ISK / 14 € total, mais c’est plus pour le principe…).
Si ma gentille conductrice n’avait pas été en route pour Búðardalur, je me serais arrêter au camping de Reykjanes ; ou, si j’avais su, je me serais arrêtée à la prochaine aire de camping.

Ísafjörður

Passant mon avant-dernier jour à faire le chemin inverse mais par d’autres chemins que celui que j’ai pris quelques jours plus tôt, je jette un dernier regard sur Reykjavik, je traverse une dernière fois les champs de lave de Reykjanes, ré-empaquète toutes mes affaires. Puis, je m’envole le lendemain par Keflavik.

Après cette première incursion islandaise qui m’a déjà tant offert, je sais que j’aurais envie d’y retourner pour en apprendre plus sur les autres horizons de l’île. Heureusement pour moi, l’Islande n’a pas le projet de partir sur une autre planète alors je pourrais venir la rencontrer et deviner ses autres secrets une prochaine fois ! 

Bucket List Islandaise :
* Tout le Nord
* Réserve Naturelle de Hornstrandir
* East Fjords, apparemment très fortement influencés par la présence de pêcheurs français

* Héros irlandais dont je raconte quelques légendes dans mes Saisons des Pluies
** Petit conseil : les sternes s’attaquent au point le plus haut de votre corps, donc faites en sorte de toujours avoir quelque chose plus haut que votre tête 😉


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