Souvenirs d’évasion

VOYAGEUSE INTEMPESTIVE – Ep.8

Ca fait une éternité que je ne suis pas venue dans les Pyrénées, c’est pourtant la porte à côté… Une éternité que je ne suis pas venue éprouvée mon corps et mon âme par la marche. Celle-ci, néanmoins, n’est pas tant éprouvante que ressourçante, dépaysante, brillante…

La douceur de l’automne est enfin là comme une tendre caresse, comme la transition dont le cœur a besoin pour passer du jour à la nuit, du Soleil à la pluie. Le matin est frileux, comme il peut l’être à 1500 mètres d’altitude, comme il doit l’être quand les nuits estivales ont perdu de leur panache. Mais le matin est ensoleillé de sommeil, ou bien ensommeillé de soleil, c’est comme on préfère, alors que septembre vient de me plonger dans l’automne de novembre et qu’octobre se fait pardonner par cette grâce inopinée. Quelle chance cette parenthèse inattendue pour prendre de la hauteur sur le monde.

Mon esprit s’élance le long de la vallée du Marcadau et mon esprit voyage au Canada. C’est comme ça, je ne peux pas m’empêcher de penser que cette balade légèrement escarpée me rappelle le Mont Robson de mon anniversaire il y a cinq ans. Je ne peux pas m’empêcher de penser que les Pyrénées ressemblent étrangement aux Rocheuses. Et je m’en veux un peu de cette idée… pourquoi est-ce que je fais tout le temps ça ? Comparer mon pays aux milles et un souvenirs de l’ailleurs que j’ai dans la caboche ? Comme si je ne savais pas apprécier un panorama pour ce qu’il est ? Comme si j’avais toujours besoin de m’évader plus loin, plus extraordinaire ? Et puis, pour être tout à fait honnête, je me sens un peu bête : n’aurait-il pas été plus « normal » que lorsque j’étais au Canada il y a cinq ans, je me sois dit « Tiens, c’est fou, les Rocheuses, ça me rappelle les Pyrénées…! » ? Suis-je à ce point ignorante du paysage voisin ?

Et mes tribulations vont même plus loin : pourquoi l’humain fait-il toujours des comparaisons ? Pourquoi une chose, une personne, un panorama, ne peut-il pas exister sans être mis en parallèle avec une autre chose/personne/panorama ? Pourquoi avons-nous toujours besoin de nous replacer dans le connu, nous qui faisons des millions de kilomètres juste dans l’espoir de se heurter à l’inconnu ?

Et puis soudain, je suspends ma pensée, je me laisse époustoufler par la rivière qui me poursuit, par les forêts qui me traversent, par les roches qui m’imprègnent. Trêve de philosophie, je me remet au présent et je m’émerveille.

Je marche en âme et conscience. Je marche au rythme de mon cœur au plus près de mon âme pour m’ancrer dans mon corps. Je marche et ça me vide la tête pour mieux me remplir le cœur. Je marche et ça me lave le corps pour mieux me créer des souvenirs.

Justine T.Annezo – 5 octobre 2024, Cauterets – GTM+2


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