BILLET D’HUMEUR #14

Les dernières minutes de 2024 s’apprêtent à sonner le gong de minuit et, comme tous les ans, on voit s’étaler sur les réseaux sociaux, sur les cahiers d’écoliers, sur les affiches de la ville, sur les pensées des proches, l’heure fatale des bilans.
Si l’on devait faire le compte-rendu du monde en 2024, comme pour toute balance de la vie, il y aurait des très haut : Merci beaucoup aux Gisèle de tous les temps pour les combats gagnés et un peu à Léon, Antoine et Thomas pour l’espoir et la joie ; et des très bas : je ne saurais qui fustiger en premier, Trump, Netanyahou, Macron, Poutine, qui, tous à leur façon et échelle, ont rendu ce monde un peu plus moche.
Mais accrochons-nous à toutes les Gisèle de la Terre : Halimi qui, en compagnie de Simone, a fini par être inscrite dans la Constitution ; Pelicot qui a fait changer la honte de côté.
Mais trésorisons précieusement les souvenirs heureux qui nous ont soulevés, individuellement, collectivement et universellement, pour échapper, un instant même fugace, au monde qui nous broie.
Et maintenant que je suis partie de ce Grand Tout qui nous renverse pour mieux nous compresser, il serait bien trivial de revenir à ma petite personne, avec mes petits problèmes, mes petits hauts et mes petits bas, si infimes parmi les désordres du monde.
Ca tombe bien, cette année, je n’en ai pas envie. Pas publiquement. L’année dernière avait au moins le panache de l’anecdote.
Cette année, je vais faire autrement.
Mon check-up est en retard, en zig-zag, en marche arrière, pour m’élancer en conscience dans l’année qui nous attend et je souhaite garder cette part de nuit pour moi.
Je me jette pourtant ici, je ne sais pas encore comment, pour laisser une dernière marque de cette année bouleversante.
Je tâche de piocher dans des billets laissés en suspend pour combler le vide, mais ça n’est pas suffisant, d’actualité, à la hauteur.
Je repars alors de moi pour extrapoler.
Il y a des moments de bascule, infimes ou gigantesques, pour lesquels on sait qu’il y aura un avant et un après dans nos vies.
La dernière fois que j’ai ressenti ce chambardement, je tombais en amour en Irlande. L’évènement était précis. Identifiable. Individuel.
Les dernières minutes de 2024 s’apprêtent à sonner le gong de minuit et je sais, sans savoir comment où pourquoi, que j’ai vécu une nouvelle transmutation.
Je ne vois, vis, sens, plus la vie de la même façon en ce 31 décembre qu’au 1er janvier de cette même année. Que ce soit sur le plan personnel ou universel. Mon paradigme se précise. J’assume les compromis que je n’ai, en réalité, jamais été capable de faire. Je reconnais les failles que j’ai toujours portées en moi sans plus m’en excuser. Je conscientise ce qui est de mon ressort et ce qui ne l’est pas. J’appréhende l’impact de mon environnement personnel, familial, professionnel, sociétal, culturel, politique, universel, sur toutes les strates de ma vie.
Ce dernier point, surtout, me bouleverse, me questionne jusqu’aux tréfonds, projette un avenir ni mieux ni pire, juste différent de tout ce que j’avais imaginé.
Alors qu’il s’agit souvent d’un point de vue qui a changé d’un millimètre à peine vis-à-vis d’une multitude de situations plus ou moins quotidiennes, annihilant pourtant tout angle mort possible. Une fois que je sais*…
Ainsi, si je devais résumer 2024 pour moi, je ferais cette affirmation :
Je m’incarne, j’incarne qui je suis, ce que je pense, dans la réalité, très imparfaite, du monde qui m’entoure, des mondes qui me composent.
En prenant ma part de responsabilité et en acceptant qu’elles ne sont pas toutes de mon ressort.
Je tâche d’être juste.
Je mets les choses en perspective.
Je ne réfléchis pas trop.
Je fais du mieux que je peux.
Je fais ma part.
Cette année, en ce moment de bascule, infime et gigantesque, pour lequel je sais qu’il y aura un avant et un après dans ma vie, j’incarne ma révolution personnelle, existentielle, radicale et subjective. L’évènement est imprécis. Indéterminé. Universel.
Et cette révolution personnelle, existentielle, radicale et subjective, je sens que je peux la vivre car le monde bouge autour de moi, de façon collective, universelle, subtile et objective. Quelque chose se passe. Malgré les horreurs qui résistent, des nouveaux mondes, infiniment fragiles, émergent un peu partout.
Ne vous y trompez pas, cette salve de monstruosités si terribles que ça en devient absurde (je vous épargne les nouvelles lois féminicides dans certaines parties du globe ici ou là), ce n’est pas une fin en soi ! C’est inversement proportionnelle à la lucidité terminale du corps malade qui s’apprête à mourir, c’est comme cette rémission fugace et inattendue qui précède la mort. Sauf qu’ici maintenant, c’est la société injuste, infâme et malade qui a un regain de saloperies à nous jeter à la gueule…
Moi, les bons jours, j’y crois dur comme fer que l’injustesse va crever de sa belle mort ! Et les autres, je résiste à la fatalité.
Aujourd’hui, c’est un bon jour, je vais donc boire mon dernier verre de l’année à la santé des Gisèle de tous les temps, de Léon, d’Antoine, de Thomas, et de tous les gens que j’aime, avec cet espoir chevillé à ma lutte : le monde de demain c’est pour demain !
Joyeux dernier jour de l’année à toutes et à tous !
* Référence au documentaire Une fois que tu sais d’Emmanuel Cappelin
Justine T.Annezo – 31 décembre 2024 – GTM+1