VOYAGEUSE INTEMPESTIVE – PLAN AMERICAIN #3

A la recherche du temps perdu
Mon premier jour peut commencer, se détendre sans objectif certain, sans planification aucune, si ce n’est peut-être me réconcilier avec Montreal ou avec la version de moi que j’étais la première fois.
C’est aussi cela tout l’enjeu de cette traversée de l’Amérique, à Montréal ou ailleurs : prendre dans les bras la jeune fille complètement paumée que j’étais au cours de mes multiples escapades américaines – cœur brisé, esprit embrumé, rêves échoués, passions noyées – et lui dire que ça va aller ! Elle n’est pas au bout de ses peines – mais moi non plus à vrai dire ! (Mais personne vraiment ne peut se vanter d’une telle chose en fait…) – mais elle va s’en sortir. Sûre de ce futur pour elle, j’en aurais pleuré hier soir en atterrissant dans la même nuit montrealaise que la première fois. Pleurer de joie.
Mais la vague est passée…
Aujourd’hui, je souris de joie. J’ai presque l’impression d’être complètement pétée tellement je souris à qui mieux mieux.
Je remets mes pas dans les miens pendant 48h. Du vieux port au plateau. Du quartier de l’université au district de Charlevoix. Je m’esbobie toujours autant des maisons à colimaçons extérieurs, fenêtre hors du temps et de l’espace. Je me rafraîchis sur les bords du Saint-laurent, seul endroit où je me sens proche du Montréal d’avant. Celui qui n’avait pas de nom. Celui qui servait de halte obligée entre les rapides. C’est ici que je me reconnecte à l’Histoire, aux temps d’avant, mon péché mignon de voyage.







Et je finis inéluctablement entre les rayons d’une bibliothèque pour remplir ma deuxième mission de voyage, ma première impulsion de vie : écrire. Ou plutôt préparer l’écriture. Dessiner les contours de mon 5ème personnage. Celle qui s’inscrit dans mes périples canadiens et fait echo à un pendant d’histoire mal connue et bien blessée : la naissance de la Nation Métis.
Et soudain, tout reprend sa bonne place. Revenir ici, être de ce côté de l’Atlantique, me replonger dans les histoires survolées, glanées il y a 5 ans, celles là même qui ont impulsé l’envie de mon roman ; c’est me reconnecter à l’origine de cette envie. Aux racines de ces écrits qui s’entrelacent plus ou moins régulièrement depuis 5 ans. Je reviens à l’essence, au pourquoi du comment, au comment du pourquoi.

En dehors de la métamorphose subie, de ma croyance intrinsèque que le voyage est un moyen de se retrouver et la volonté de mettre ça dans mon roman, la base de mon élan est la même que celle qui me fait prendre un carnet et un stylo à chaque fois : je voulais donner à lire la voix des peuples oubliés, des peuples sacrifiés.Je reviens à l’essence, à l’origine du bien, pour me nourrir à nouveau, pour redonner confiance à la validité de mon récit, à la légitimité de mon envie.
Écrire ce roman, ça ne vient pas de nulle part, ce n’est pas une lubie : c’est une nécessité. « Maintenant que je sais ». Maintenant que je sais, je ne peux que faire ma part et raconter leur histoire. Mais déjà il est temps pour moi de vivre mon prochain chapitre, ma prochaine étape, de me rendre à Bromont pour retrouver mon amie Catherine.
Retrouvailles québécoises

De ce départ naît l’agréable – et nouvelle ou au moins oubliée – sensation d’être exactement au bon endroit exactement au bon moment.
D’ordinaire, c’est plutôt le sentiment d’être mal placée qui prévaut, particulièrement lorsque je voyage, nourri par la peur de louper « the place to be ».
Or, cette fois-ci, je me sens moins en quête de l’expérience suivante pressée par l’urgence de désespérément remplir un vide. Et cette réalisation m’apporte une précieuse sérénité, je me parfaitement à ma place, en totale harmonie avec moi-même.
Le bon endroit pour moi, c’est l’endroit où je choisis d’être.
Et pour l’heure c’est à Bromont, puis à Stanbridge.
Je célèbre mes retrouvailles amicales dont j’écrirai plus longuement plus tard. Je m’offre des havres de lecture et d’écriture selon les heures. Je me laisse porter par le sentiment inhabituel que le temps est intemporel.


Et surtout, je (re)vis mon pèlerinage québécois, reconnectant avec des experiences vécues autant qu’inédites. Cueillette de bleuets. Feu de camps. Chalet. Tournée des microbrasseries. Dégustation des produits du pays. Une collection d’instants de vie, universels ou typiquement québécois, fugaces ou étirables à l’infini, qui ne tiennent pas toujours en mots. Une collection d’instants de vie qui me remplissent le cœur de voyage. Pour vrai !
Glanant mes futurs souvenirs au fil des jours, je me retiens de dire : je n’ai jamais autant vécu en harmonie que pendant ce voyage ; je me retiens par peur de l’avoir trop écrit. C’est pourtant vrai cette fois-ci comme à chaque fois d’ailleurs, ce qui est plutôt positif finalement : je vais crescendo. Et je me laisse la possibilité de l’écrire encore des milliers de fois puisque je n’écris pas : je ne serai jamais autant en harmonie que pendant ce voyage.
Glanant mes futurs souvenirs au fil des jours, je me lance dans mon enquete préféré du voyage : découvrir d’autres façons de vivre, identier les petits détails qui nous différencient. « A chaque fois qu’on fait des feux de camps, nos workaway sont tout excités, dirait Catherine. Alors que pour nous c’est un soir d’été ordinaire ». A moi d’en rajouter : « Vous dites des bobettes, alors que nous on dit des culottes »
Néanmoins, ce que je découvre à chaque voyage, quelle que soit la destination, quelle que soit la langue, ce sont surtout les aventures qui nous rassemblent. Évidemment, je me rends dans des lieux très occidentaux, je ne vais pas au fin fond de l’Asie, donc ça aide. Mais la réalité c’est que où que nous soyons nés, nous nous aimons, nous nous chicannons, nous cherchons des réponses, nous trouvons des questions… Même au fin fond de l’Asie ! Et c’est cela qui nous lie plus que tout en tant qu’humanité, c’est cela qui nous rapproche indubitablement. Et c’est cela que je préfère entre tout au cours des mes explorations, comprendre que nous avons plus de choses qui nous assemblée que de choses qui nous dissemblent. Et encore une fois au Québec, ça n’y trompe : Ils ont beau dire « fakle » à la place de nos « du coup », nos « je t’aime » sont pleins du même sentiment.
Justine T.Annezo – du 23 au 30 juillet 2025, de Montréal à Bromont – GTM-4












Une réflexion sur “Pèlerinage québécois”