Vacances Romaines – Jour 6

Odeurs.

Rome est belle, Rome est un raz de marée d’Histoire, Rome est un espace hors du temps et de la réalité. Rome est fascinante, mais ce soir, Rome n’est plus qu’une seule chose : Rome est pestilentielle. A vrai dire, ce n’est pas uniquement ce soir mais, ce soir, cela me prend au nez, à la gorge et au ventre. Ce soir, ajoutées aux pieds qui font mal, aux gouttes de sueur sur mon front, à ma fatigue physiquement insupportable, les odeurs de Rome sont insoutenables et répugnantes.

Bien-sûr, aux heures de repas, les rues exhalent une appétissante odeur de pizza. Bien-sûr, certains morceaux du quartier historique sont d’ordinaire préservés par les relents de pisse et de poubelle, mais trop souvent une promenade à Rome suinte les effluves rances des urinoirs improvisés, enflées par la chaleur irrespirable de l’été romain. Tout cela porté à son apothéose de saveurs écœurantes quand il s’agit de s’engouffrer dans les bouches de métro. Je suppose que Paris respire à peu près la même odeur mais cela fait bien longtemps que je ne m’y suis pas arrêtée et j’ai oublié.

Et ce soir, cette attente interminable pour le bus à côté d’un container envahi par un mélange d’odeur de plastique chaud et de déchets en décomposition, défie ma patience et mon flair, elle me donne la même nausée qu’à ma première rencontre avec Rome quelques jours plus tôt. La nuit était aussi noire et chaude, et je descendis de la navette de l’aéroport aux abords de la Gare de Termini. Les gares sont toujours le théâtre d’une vie dont on ne veut pas faire partie après minuit ; pourtant, je fus obligée de m’en accommoder l’espace de quelques minutes. Très vite rattrapée par mes premières effluves sales, perdue dans cette ville de nuit dont la chaleur m’accablait, j’ai douté pendant une fraction de seconde de ma destination. Je voulais être partout sauf ici.

C’est fou le pouvoir d’une odeur que l’on ne peut se saisir, que l’on ne saurait raconter, et qui vient pourtant si pernicieusement entacher le plus infime paradis. Car, alors soudain, ce soir, comme le soir de mon arrivée, toute Dolce Vita est annihilée. Je ne me souviens plus des beautés du jour, je suis possédée par l’haleine acre des rues.

Justine T.Annezo –22 août 2020, Quelque part dans Rome – GMT+2

Porte Romaine

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