Ephéméride Sans Nom.

Aujourd’hui, dernier jour. Errances donc.
J’observe, me promène au hasard comme Stendhal l’aurait fait au siècle dernier, me laisse traverser par les coïncidences de la vie qui fourmille, ne tente même pas d’en faire une histoire. Je n’ai pas de titre pour la chronique du jour, c’est dire ! moi qui adore la poésie d’un titre… Ce serait un Article Sans Nom comme les poèmes auxquels on ne sait à qui attribuer la verve.
Je suis pourtant interrompue par mes Artichauts à la Romaine et par une aventure malheureuse qui fera un brin de conte pour la journée.
Après un charmant repas dans une charmante Trattoria romaine, perdue dans les méandres d’une rue près du Panthéon, j’ai connu pour la première fois en quatre ans de voyage, le désagrément de me faire dérober. Un peu guillerette de ce dernier jour de liberté absolue où je me donne pour seule consigne de vagabonder sans but afin de m’imprégner une dernière fois de l’âme de Rome et de son architecture millénaire, mais surtout pompette du verre de limoncello offert par le patron après un Spritz de déjeuner et un risotto quelque peu décevant, je suis quelque part entre la Piazza Novana et la Piazza della Rotonda quand, ma solitude soudain brisée par une curieuse affluence, je me noie dans un minuscule raz-de-marée humain. Le temps pour la dame âgée à qui j’aurais donné le bon Dieu sans confession de s’approprier mon portefeuille, garant de mes derniers trésors. Notamment un billet de 100 euros offert par ma maman il y a deux ans et que je gardais pour quelque chose de spécial… Dans un sens, c’est très spécial de se le faire voler par une mendiante romaine !

Me voilà donc sans ressource. Pas de dernière glace à la pistache. Pas de dernière pizza à l’Italienne. Et mes flâneries en prennent un sacré coup. Parce que ma seule occupation est maintenant de faire toutes les déclarations de perte auprès des instances françaises et internationales. Commissariat. Banque. Assurance. Etc. Etc. Mais j’ai de la chance dans mon malheur. Mon téléphone ne m’a pas été dérobé et si je me suis fait voler tous mes papiers d’identité, mon passeport est bien précieusement en sécurité dans mon appartement romain, sauvegardant mon voyage retour pour demain.
Ma rêverie romaine prend bien-sûr des allures cauchemardesques pendant quelques minutes, je suis vidée d’envie et de joie. Je ne vois même plus l’intérêt de me laisser griser par les méandres de la ville si je ne peux pas l’agrémenter d’une dernière succulente glace ou d’un apéro Spritz sur une terrasse enivrée.
Heureusement, le patron de ma petite Trattoria me remonte le moral par son infinie bonté.
Heureusement, je retrouve quelques élans quand la nuit tombe sur Rome et je sors pour une dernière découverte de la ville éternelle.
Je n’attendais rien de Rome et Rome m’a émue par petites touches de couleurs. Je sais qu’elle me garde encore quelques secrets, que j’aurais pu raconter des milliers d’autres histoires mais, apprenant à apprécier les mystères infinis et à jamais insondables que chaque entité recèle, je me laisse une dernière fois guider par les pavées plus que je ne les bats.
Justine T.Annezo – 26 août 2020, Somewhere in Rome – GMT+2
