
L’oreille contre son cœur, elle entendait la musique de son intérieur. Il y avait comme un bruit de ressac dans sa poitrine, une circulation bienvenue et bienveillante de ses sentiments. L’oreille contre son cœur, elle était ce ressac, elle était cet intérieur.
C’était son point d’ancrage, son point de départ, son point de retour. C’était son commencement. Elle entendait les sons assourdis. Elle percevait les lueurs adoucies. Elle sentait les mouvements amollis. Le monde vivait au ralenti tandis que son monde vivait en accéléré au rythme de chaque petit morceau d’elle-même qui se formait, se transformait, s’intensifiait.
Elle était au cœur de la vie. Elle était au centre de la mer. Elle était au chaud de son monde aquatique. L’oreille contre son cœur, la mélodie de la vie l’enveloppait. L’oreille contre son cœur, le bruit des marées organiques la rassurait. L’oreille contre son cœur, le silence de l’eau lui racontaient des histoires.
Elle était chez elle. Baignée dans le monde inintelligible de l’avant. Plongée dans le monde invisible du pendant. Inondée dans le monde incompatible de l’après. Confortable, elle n’avait aucune volonté de partir.
Elle était matière mais elle était matière dans du fluide. Elle était corps mais elle était corps dans un autre corps. Elle n’avait pas encore son existence propre. Elle cherchait ses contours. Les limites de son espace protégé. De son espace choisi. L’oreille contre son cœur, elle s’enveloppait du mouvement d’un monde qui lui appartenait. Vague. Lumineux. Sublimé.
Paisible, elle n’avait aucune volonté de s’enfuir.
Elle était arrivée à termes pourtant.
La tempête menaçait. Cet espace si doux, si enveloppant, si rassurant était en train de convulser. Le doux ressac était devenu violents remous. Cet espace si doux, si enveloppant, si rassurant était en train de l’expulser. Elle aurait bu la tasse si cette eau n’avait pas été son oxygène première. On était en train de l’exiler, de l’excommunier. On était en train de la rejeter de son foyer charnel, de son espace protégé. Elle se sentait peu à peu devenir étrangère. Assaillie par de nouvelles perceptions. Toutes plus affreuses les unes que les autres. Elle refusait cette déportation. Elle s’accrochait de toutes ses petites forces. Mais elle n’était pas maîtresse d’elle-même, elle était l’esclave de la matrice. Elle résistait à cette partition. Elle luttait de toute sa puissante ténacité. Mais elle était trop lente pour la rapidité des contractions qui la comprimaient.
Elle était brutalement rejetée de ce corps qu’elle avait fait foyer. Meurtrie à jamais de cette séparation.
Elle était au contact de la vie. Elle était aux abords de la mère. Elle était au froid de ce monde inconnu. L’oreille contre son cœur, elle entendait le chant de la mer derrière la paroi fine de l’épiderme. Il y avait comme un bruit de paradis perdu dans cet espace bruyant et abrupt. L’oreille contre son cœur, elle cherchait son ressac, elle cherchait son intérieur.
Justine T.Annezo – 20 juillet 2022 – GTM+2
Coucou,
Très beau poème! Je viens de l’envoyer à un copain du CJD, Florimon dont la petite Maïa est née ce matin à 8h30:-). Synchronicité!
Bisous
Patrick THAUNAY Tél: 0608477156
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