
10h, le soleil se lève sur avril dans le Marais Poitevin et l’Office de Tourisme ouvre ses portes. Il ne me faut pas louper ce rendez-vous pour bien commencer cette journée. Maintenant que je suis « grande », je me suis assagie, je ne pars plus la fleur au fusil sur des chemins de traverse dans lesquelles je pourrais m’embourber. Avant de me lancer dans l’aventure du jour, je fais une halte pour me renseigner auprès de la jeune femme à l’accueil : où ? comment ? quelle heure ?
Je suis gentiment orientée vers Papa Tango Vélo qui f’ra le reste, et ça aurait pu s’arrêter là…
16h45, après tant d’escapades, le soleil brille d’une chaleur de plomb sur le Marais Poitevin alors qu’avril s’est largement découvert. Basile est censé m’attendre à l’Office du Tourisme pour me donner des renseignements complémentaires sur le marais pendant la Seconde Guerre Mondiale. Basile est là et la jeune femme à l’accueil, la même que ce matin, m’interroge : alors ce périple ? C’était où ? comment ? à quelle heure ?
C’était brûlant, mes bras s’en souviennent, elle se moque gentiment, et ça aurait pu s’arrêter là…
18h15, le soleil s’abaisse sans faiblir dans le Marais Poitevin et mon absence de bus ne me raccompagnera pas à Niort : il aurait fallu que je le commande la veille, le numéro vert est en grève, ne me reste plus que le pouce à lever. Je marche donc dans le soleil descendant vers une route plus fréquentée, le pouce bien levé.
« Ah mais t’es en road-trip en fait ?! m’alpague une voiture en passant. On danse autour du rond-point pour s’expliquer le pourquoi du comment, c’est la jeune femme de l’Office de Tourisme, la même que cet après-midi et donc que ce matin.
« Tu vas où comme ça ?
– A Niort…
– Viens, je t’embarque !
18h30, le soleil blondit ses derniers rayons sur le Marais Poitevin que je quitte dans la joie. Ca n’en restera donc pas là !
Ma conductrice m’accueille en joyeuses papotes et questions sur mon expédition, me livre quelques anecdotes locales au passage, puis me lance finalement : « il n’y a pas de hasard dans la vie, seulement des rendez-vous qu’on ne sait pas lire ». Notre rencontre est scellée, ma conductrice vient tout simplement de citer ma philosophie de voyage, ma lumière dans les moments de doute. Paul Eluard nous accompagne le long de la Sèvre pendant que je tisse une nouvelle amitié.
Tout s’enchaîne… Au fait, comment tu t’appelles ? Julie ! C’est fou, moi c’est Justine. On est le club des Ju ! On se connait seulement depuis dix minutes, mais ça y est, on est les meilleures copines du monde. On se raconte nos vies vitesse grand V et par bribes. Julie a repris des études dans le tourisme – c’est comme ça qu’elle a rencontré son amoureux et le père de sa fille – après avoir abandonné l’Education Nationale. Ca résonne avec ma propre expérience, moi qui aies repris des études dans le tourisme quand j’ai fait une pause avec le théâtre…
19h, le soleil se couche derrière le donjon de Niort, je suis arrivée à destination. « Si jamais, demain, je suis à l’Office de Tourisme de Port Boinot. Tu peux passer me faire un coucou ! ». Ca n’en restera donc définitivement pas là.
12h30, le lendemain. Le soleil brûle mes bras déjà rougis, le vin blanc du marché n’a rien arrangé. Au fil de ma balade, je passe par l’ombre des îles niortaises sur la Sèvre pour rejoindre ma nouvelle copine coiffée de son bandeau à fleur et de ses yeux à paillettes à Port Boinot. C’est l’heure de sa pause déjeuner, on va s’enjailler au Viognier, notre vin préféré, après avoir découvert que nos deux pères s’appellent tous les deux Patrick.
« Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous », c’est Paul Eluard qui l’a dit…
« La prochaine fois que tu viens, je t’emmène sur la barque de Vincent (son compagnon) dans les coins les plus reculés et les plus authentiques du Marais. Pour ton roman !
Apparemment, la meilleure nouvelle que j’aurais pu lui donner : je suis une auteure en goguette pour nourrir mes inspirations romanesques.
Après ça, pendant une heure et demi, on continue à parler de nos vies en accéléré, se livrant sur des sujets profonds. Ceux que l’on n’aborde avec de parfaits inconnus mais uniquement lorsque le voyage s’installe dans le cœur. Au moins pour moi. Je repense alors à toutes ces rencontres de hasard, à tous ces rendez-vous qui sont devenus amies. A tous ces portraits que j’ai parfois écrit dans ma tête ou bien ici. Billie. Margaux. Steph. Hannah. Tous les noms superposés en Alaska. Cette enfilade de rencontres qui possèdent toutes un morceau de moi.
A Julie, à son tour, de garder un échantillon avec elle.
Et moi, un fragment d’elle que je disperse à demi-mot, incomplet, fugace, joyeux, insaisissable, virevoltant… Un peu comme elle finalement.
Et moi d’esquisser son rire fou, ses yeux pailletés, son sourire de fée, son air mutin, dans l’attente de notre prochaine retrouvaille.
Parce qu’il faut que tu saches une chose, Julie, si tu me lis – et je sais que tu me liras puisque tu m’as lancée : « tu serais pas du genre à faire un blog de voyage par hasard ? » – : je suis excessivement fidèle… Quand je tombe en amour ou en amitié, c’est pour toute la vie. Alors, j’espère que t’es prête !
De toute façon, on se l’est promis : ce qui est sûr, c’est qu’on se reverra avec Julie !
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