VOYAGEUSE INTEMPESTIVE – PLAN AMÉRICAIN #7

J’arrive à l’aéroport d’Anchorage, le cœur plein et vide à la fois. Glanant chaque souvenir de ce voyage pour les ranger précieusement dans ma mémoire. Pressée de ma prochaine aventure quelle qu’elle soit.
Une fois dans l’avion, je survole une nouvelle fois le Pôle Nord qui m’a tant hypnotisée il y a 6 ans, mais, coincée dans le rang du milieu, je ne peux pas, cette fois-ci, pleinement profiter du spectacle. Dire que dans 3h, je serai de nouveau dans le fuseau horaire GMT + 2… Il y a quelque chose d’irréel : je n’ai presque pas dormi mais nous sommes déjà un autre jour, j’ai fait trop de kilomètres que je n’ai pas marchés et je retourne à la civilisation alors qu’hier encore, je frôlais les bisons américains…
Et alors que je survole la Terre, je mesure les bienfaits organiques et cellulaires de ce voyage : une incroyable sensation de réparation. De réconciliation. Plus ou moins consciente. Chacun de mes pas a tracé des ponts de compréhension et de résolution en arrière-plan. Le voyage n’a plus le goût du désespoir. Il m’aide définitivement à mieux me connaître et me comprendre. Il est plus probable d’avoir lieu en période de doute. Mais il est de moins en moins une fuite. Il corrige ma façon extrémiste de vivre chaque chose pour ouvrir de nouveaux paradigmes : je peux voyager quelques semaines et retourner à ma vie sans mettre des mois à m’en remettre (si ce n’est du foutu décalage horaire).
Mon premier voyage a été si bouleversant qu’il a formaté mon rapport au départ. Toute partance comportait quelque chose de traumatisant, d’un peu violent, trop intense pour être vécu sereinement. J’étais tellement persuadée de ça que j’en fais même un roman…
Mais aujourd’hui, et comme depuis toujours finalement, je sais que le voyage ne joue qu’un rôle de révélateur. En 2016, l’Irlande ne m’a bouleversée que parce que j’étais déjà à un point de bascule. Aujourd’hui, ce voyage autant que mon retour me révèle mon nouvel etat d’être : ouvrant les nouvelles perspectives dont je suis en quête, assurant un nouveau rapport au temps sur lequel je travaille si ardemment, me rapprochant de celle que j’ai envie d’être.
Ce fut un nouveau voyage et pourtant il a flirté avec mon passé pour l’aider à le comprendre, il s’est inscrit dans l’imaginaire de mon roman pour me redonner la foi de continuer. Il m’a permise d’avancer encore différemment sur mes écrits et mon rapport à l’écriture en revenant a l’origine. Car c’est au Canada que j’ai compris que je voulais écrire autre chose que du théâtre. Car c’est en Alaska que mon roman est véritablement né. Je suis revenue à la racine pour vérifier qu’elles sont toujours en bonne santé et continuer à arroser mes fleurs de mots.
Et 27 heures et 20°C plus tard, fatiguée mais paisible, puant la chèvre d’Amérique, je retrouve le désert estival de ma ville adorée pour prendre une nouvelle résolution d’écriture et savourer cette parenthèse enchantée à l’autre bout du monde en compagnie de gens tant aimés.
Justine T.Annezo – du 9 au 11 août 2025, de l’Alaska à Toulouse – GTM+2
Découvrir comment j’ai su que je voulais écrire autrement