Aux sources du Canal du Midi

Je vous l’avais promis il y a quelques semaines, me voici de retour avec plus d’anecdotes sur les aventures possibles au départ de la Prise d’Alzeau aux côtés d’André Authier. Car j’ai enfin pu profiter, par un gris vendredi de juillet, de ses nombreuses chroniques sur la construction du Canal du Midi.

Avec André comme avec Riquet, tout a commencé en haut de la Montagne Noire à l’endroit exact où notre bon vieux PP détourna le cours de l’Alzeau pour le faire glisser « par pente naturelle » depuis sa route d’origine vers le seuil de Naurouze. Mais ne nous emballons pas, faudrait pas commencer par la fin ! Pour l’heure, nous sommes sur le point le plus haut et le plus éloigné du système d’alimentation du canal – de quoi contredire tous ceux qui pensent que le Bassin de Saint-Ferreol est le début du Canal du Midi ! – où André nous déclame la lettre qu’envoya Riquet à Colbert à propos de la construction d’un canal de communication des deux mers Océane et Méditerranée et le moyen d’assurer son remplissage. En effet, alors inspecteur de la Gabelle, Riquet y voyait son intérêt pour réduire les coûts du transport du sel. Séduit par son projet, le jeune Louis XIV valida le projet de Riquet en octobre 1666 et la construction pouvait commencer avec la fameuse Rigole de la Montagne Noire qui fait l’objet de toute la visite avec André (ou presque).

Pour la prochaine étape, suivant le déroulé de la rigole à travers la montagne, nous nous arrêtons à Fontcroisette où coule certain aqueduc en béton mais dont l’objet est de nous expliquer le rôle de bassin de regonflement du Lampy Vieux qui n’a aucunement – n’en déplaise aux preneurs de raccourcis – était remplacé par le Lampy Neuf, mais là, j’avoue que ma mémoire se mélange les pinceaux*. En réalité, ce que j’ai véritablement retenu, espantée, de ce petit coin humide, ce sont les Sequoias et les Tuyas de l’Autre Continent rapportés des Amériques par quelques curieux botanistes…

Lueur automnale

Après tant en avoir entendu parlé, nous passons tout de même le bonjour au Bassin du Lampy dont la conception est directement liée au besoin d’eau supplémentaire provoqué par l’aménagement du canal de Jonction connectant le canal du Midi avec la Robine et fut assurée par Garipuy en 1782. En effet, confronté à l’irrégularité des débits des rivières qui alimentent la Rigole, Riquet avait déjà donné le » la » de la construction de retenues artificielles pour garantir une meilleure alimentation en eau de l’ouvrage avec la création du Bassin de St Ferréol.
Cette fois-ci, j’ai été particulièrement impressionnée par le barrage-mur avec contrefort vertigineux au-dessus du lit de la rivière du Lampy, même si j’ai bien compris que les barrages-mur, c’était pas la meilleure idée qu’il soit… Mieux vaut se fier aux castors et prendre leur exemple pour ériger des barrages-masse (ou barrage-poids, conçus de telle sorte que chaque section de barrage est stable, indépendamment de toute autre section de barrage).

Après une halte au Conquet où la Rigole se déverse dans le Sor et où André nous démontre une fois de plus le principe de l’épanchoir et du déversoir (je ne vous spoile pas, André ne s’en remettrait pas), nous faisons connaissance avec le Bassin des Cammazes qui n’a rien à voir avec le système d’alimentation du canal mais qui fournit tout de même l’eau potable et l’irrigation pour plus de 200 communes. Son barrage-voûte** impressionne et donne le vertige du haut de ces 70 mètres (faudrait pas que ça s’avise de péter parce que la vallée de Durfort serait sacrément embêtée, pour ne pas dire noyée !).

Tout ce vertige met bien en appétit et le Salon de Vauban, par sa proposition locale et fait-maison, sait pallier à tous nos désirs gustatifs avec brio, le temps d’une présentation vue du ciel du parcours effectué le matin, animée par le savoir passionné d’André.

Lorsque Vauban transperce les flancs de la Montagne…

L’après-midi est plus dilettante, avec pour premier arrêt la Voûte Vauban aux Cammazes. Car oui, si Riquet a construit le Canal, c’est bel et bien Vauban qui l’a sauvé ! Le Canal Royal du Languedoc (c’était son nom à l’époque) a été construit très rapidement et a révélé tout aussi rapidement ses failles. Ainsi, sans l’intervention de Vauban, le Canal aurait probablement été hors d’usage 15 ans après sa construction. La percée Vauban fait partie de ces missions de sauvetage puisqu’elle permet aux eaux acheminées le long du vallon du Sor de traverser la montagne pour rejoindre la vallée du Laudot et se déverser jusqu’à Saint Ferréol.

Nous finissons enfin au fameux Bassin [de St Ferréol], LA réserve du Canal du Midi, dont le barrage fut réhaussé de huit mètres par Vauban et qui permet de stocker les eaux détournées des ruisseaux de la Montagne Noire pour être acheminées ensuite, par la Rigole de la Plaine, jusqu’au dit Canal (mais ce sera l’objet d’une prochaine visite avec André !).
Là, ne manquons surtout pas la Cascade et la Gerbe dissimulée derrière le barrage et, soyons honnête, le clou du spectacle ! Dans ce havre de verdure préservé de la foule (ou presque), nous pouvons nous asseoir sur le siège de Vauban et y partager ses réflexions.
Et si nous avons l’âme encore un peu flâneuse, ou bien la soif d’apprendre encore avide, nous pouvons conclure notre rendez-vous par le Musée du Réservoir du Canal du Midi, dont l’élément phare est la visite guidée et en lumière de la Galerie des Robinets.

Ainsi, après cette journée en compagnie d’André, voici ce que j’ai appris :
* La différence entre le déversoir et l’épanchoir, mais ne nous épanchons pas au risque de déverser la conclusion trop en avance…
* La différence entre un barrage-masse (comme les mignons castors) et un barrage-mur (tout est dit dans le nom), et combien nous gagnerons tous à prendre exemple sur nos amis Castoridae.
* Le rôle non négligeable de Vauban dans la pérennité du Canal du Midi (qui a perdu son premier baptême royal au moment de la Révolution Française).
* Contrairement à une idée trop répandue, Riquet n’est pas mort ruiné ! Disons qu’il n’avait plus un sou en poche mais qu’il était tout de même propriétaire d’un sacré patrimoine, le susmentionné Canal entre autres… Y’a pire comme misère !
* Contrairement à une autre idée trop répandue, Riquet n’est pas mort avant d’avoir vu son Canal en activité : si Riquet ne voit pas son oeuvre achevée, il la verra du moins fonctionner. Mort en 1680 alors que le versant méditerranéen est mis en exploitation en 1681, le versant atlantique était, en effet, déjà actif depuis 1673.

Ainsi, après cette journée en compagnie d’André, voici ce que je vous conseille :
La proposition initiale d’André est un circuit en automobile, un peu comme un tour en car, sauf que là, on covoiture. Bien-sûr, il laisse la liberté à ceux qui le souhaitent de faire le parcours en vélo : ce fut le cas de mon groupe, trois quarts de cyclistes, les autres en auto. J’étais de ceux à moteur et j’avoue en avoir été grandement frustrée : j’avais des points de rendez-vous avec la Rigole mais je ne pus en apprécier toute la beauté naturelle. Je vous invite donc expressément à organiser cette sortie à vélo ! André vous communiquera le parcours et les points de rencontre pour une parfaite proposition alliant Nature et Histoire, Grand air et Connaissance, Culture et Gastronomie. Un esprit sain dans un corps sain ; en plus, c’est facile, c’est que de la descente !
-> si vous n’êtes pas équipé, vous pouvez louer votre vélo à Revel (il y en a même des électriques pour les plus frileux!) ou bien à Saint-Denis.

Bonne escapade à vous !

* Complément d’information par André : « outre le cadre bucolique des séquoias et tuyas, ce qu’il fallait retenir au Lampy vieux, c’est que Riquet avait fait un aqueduc pour franchir le vallon… puis Vauban avait fait un bassin de regonflement car l’aqueduc de Riquet n’était pas bien construit. Ce bassin s’est comblé peu à peu et en 1942, on a refait un aqueduc… en béton celui là ! mais tu as bien retenu l’essentiel : la confusion trop souvent lu (Lampy neuf a remplacé Lampy vieux = NON). Un bassin de rétention (comme Lampy neuf) a comme fonction de retenir de l’eau et la restituer quand on en a besoin alors qu’un bassin de regonflement sert uniquement à faire traverser de l’eau d’un coté du vallon à l’autre… »
** Le barrage-voûte permet de reporter les efforts dus à la poussée de l’eau sur chaque côté des rives, le barrage décrit donc un arc sur le plan horizontal. Ce type de barrage est utilisé dans des vallées étroites disposant de versant très rigides capable de supporter le poids de l’eau.


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