
Par un dimanche d’été, alors que la France expérimentait la traditionnelle valse entre juillettistes et aoutiens (au point de lui faire une place de choix parmi les articles de Courrier International!), j’appréhendais le maître-mot de ce milieu d’été : SORTIR DE SA ZONE DE CONFORT. Et on peut dire que je n’ai pas lésiné sur le concept pendant deux jours en compagnie de ma cousine visionnaire et altruiste ! Elle m’avait embarquée la veille sur un catamaran – sur lequel nous avons, sans mauvais jeu de mots, beaucoup ri en effet -, elle m’embringuait ce jour-là sur les pas du Pic Saint Loup.
Cette Appellation d’Origine Contrôlée que j’apprécie habituellement et immodérément dans mon ballon de rouge, au sommet du TOP 3 de mes vins français préférés, possédait donc des racines terrestres que je m’apprêtais à arpenter. Randonnée préférée de ma cousine dans sa région d’adoption, elle avait opté pour la version longue qui consistait à faire le tour du fameux Pic ! Elle m’avait prévenu, la rando était difficile, il fallait même parfois escalader ; mais orgueilleuse et peut-être inconsciente, je ne m’en offusquais pas ! Après tout, j’avais grimpé le Bugarach il ya quelques semaines, j’avais escaladé le Mont Marathon en Alaska, c’était pas un petit pic qui allait m’effrayer ! Grossière erreur de jugement…
Nous partîmes donc vers 11h depuis le point de départ à Cazevielle, à peine 1 litre d’eau pour deux personnes dans nos sacs à dos, légères et insouciantes, pour quatre heures de randonnée en plein été. Le décor est planté et je suis sûre que vous voyez déjà où je veux en venir, vous connaissez déjà la teneur de nos péripéties.

La première partie du voyage fut merveilleuse. Ombragées, nous sillonnions les recoins cachés du Pic Saint-Loup avec vue imprenable sur les Cévennes et possibilité d’admirer Saint Loup sous toutes ses coutures. Ce fut après le repas de midi et son incroyable panorama à perte de vue que cela se corsa. Je ne voyais pas la fin de l’escalade, à contrario des gourdes dont nous étanchions les dernières gouttes ; l’absence de sentier jouait beaucoup trop à cache-cache pour ma patience, je n’en voyais pas le bout et perdais courage. Une vague angoisse m’envahit, je dois l’admettre ; j’en pouvais plus de sortir de ma zone de confort, je ne m’en sentais plus les épaules, que ce soit de façon littérale ou métaphorique. L’angoisse résidait justement dans le fait que je ne pouvais situer la fin de cette épreuve, je ne savais si j’en avais pour dix minutes ou pour deux heures et, comme dans la vie, cette incertitude m’insupportait. Après conciliabule et accords sur le fait que nous avions encore pour une petite demi-heure de ce sentier escarpé, je reprenais courage.
En réalité, il nous fallut plus d’une heure pour atteindre les cimes, mais j’étais allégée de mon fardeau de pensées limitantes. Notre « ballade » pouvait retrouver sa légèreté, son insouciance et sa bonne humeur, même exaltée par la déshydratation, cause de délires et fous rires (et qu’est-ce que nous avons ri !) !
Bon d’accord, j’en fais des tonnes, nous n’étions pas au bord de la mort non plus, mais seul le rêve d’une fontaine de rosé au sommet du Pic me permit de tenir le coup. Et quand cette utopie se révéla être vaine, je me faisais la liste mentale de toutes les boissons que je commanderai dans le premier bouiboui au pieds des cimes : de l’eau pour me désaltérer, de l’Orangina pour le sucre et de la bière pour la récompense ! Pour ce qui est de tenir le coup, je me dois aussi faire la part belle à la patience de ma cousine qui, forte de son expérience sur le Kilimanjaro, rythma notre montée de la juste cadence au son de ses « polé, polé »*. Qui, assagie de ses connaissances médicales, rationna nos gorgées d’eau par de précieux conseils : faire des bains de bouche pour prolonger la sensation de satiété. Qui nous mena à bon port, lessivées mais heureuses et fières. Sans elle, je serais probablement encore en train de suer toute l’eau que je ne pouvais pas boire, en chemin vers la croix la plus haute du Pic.
Ayant enfin réalisé notre exploit du jour, notre zone d’inconfort ayant été plus qu’expérimentée, nous n’eûmes cependant pas trop le loisir de nous gargariser de nos kilomètres, déjà la descente nous appelait pour que mon train retour ne parte pas sans moi. Et la descente, tout aussi éprouvante que la montée de l’enfer, fut encore l’objet de beaucoup de blagues et de rires fous.
Je vois déjà ma cousine se décomposer à la lecture de ces mots, elle si soucieuse que notre week-end fut euphorisant, alors je la rassure tout de suite : malgré la soif et le terrain exigeant, cette expédition du Pic Saint Loup en sa compagnie demeure l’un de mes meilleurs souvenirs de randonnée, où j’ai ri à n’en plus finir, même si je peux le dire, sans peur et sans reproche : le Pic Saint Loup, je préfère le boire que le grimper !
La légende du Pic Saint Loup
Au XIème siècle, sur le roc d’Esparon, vivait une veuve d’un seigneur et ses trois fils, Loup, Guiral et Alban, dans une puissante forteresse. Lorsque l’âge de tomber en amour leur vint, les trois garçons s’énamourèrent secrètement de la même demoiselle, Irène, du château de Vivieures. Ne sachant auquel ouvrir son cœur, elle leur proposa de faire montre de leur courage et de leur bravoure en Terre Sainte afin qu’elle puisse les départager. Lorsque les trois chevaliers retournèrent enfin au pays après une longue absence, ils croisèrent le cortège funaire de la belle Irène qui, consumée de chagrin sans nouvelle des exploits de ses trois prétendants, venait de succomber.
Désespérés, les trois frères décidèrent de se consacrer à l’amour de Dieu. Chacun se dirigea vers un sommet de la région pour y vivre en ermite. Chaque année, le jour de l’anniversaire d’Irène, ils se promirent d’allumer un grand feu, seul lien qu’ils maintiendraient entre eux.
A leur mort et en leur souvenir, les populations donnèrent à chaque refuge le nom de leur ermite. C’est ainsi que l’on trouve dans les Cévennes le Saint Guiral, la puissante butte Saint Alban près de Nant et le Pic Saint Loup au sommet des garigues montpelliéraines.

Sinon, en pratique, ça donne quoi ?
Vous avez deux options pour randonner le Pic Saint Loup : la version courte et la version longue (dont le retour contient la version courte) et je dois avouer qu’après nos péripéties aqueuses et de désorientation, toutes deux m’ont presque semblées d’égale difficulté en raison du terrain. En effet, même si l’ascension du Pic peut être faite en 2h30 AR, le sentier est très caillouteux rendant la randonnée « inconfortable ». Bien-sûr, la seconde option exige une meilleure condition physique puisque la partie haute de l’ascension comporte de la petite « escalade », mais toute la première partie de la montée est beaucoup plus confortable sur une sentier de terre ombragé.
L’avantage de la version courte est « l’évidence » du parcours, c’est très bien balisé et tout le monde connaît le chemin ; car le gros défaut de la version longue est la visibilité du balisage : nous avons passé les trois-quarts de la randonnée le nez sur l’application VisoRando pour savoir où nous étions et où il nous fallait aller.
Quoiqu’il en soit, malgré toutes nos péripéties aqueuses et de désorientation, je recommande tout de même la version longue pour la diversité de ses paysages et de son terrain, pour le regard vertigineux qu’elle offre sur le Pic et pour l’aventure unique qu’elle représentera en toute circonstance.
-> La version courte, c’est par ici : 5.46km – +321m – 2h30
-> La version longue, c’est par là : 9.22km – +569m – 4h15

* « doucement » en Swahili