La quête

Elle marchait. Inlassablement elle marchait. Vagabonde. Le cœur en baluchon. Unique rescapé de son passé. Egarée mais libre. Elle marchait funambule sur le chemin de sa destinée. Elle marchait pour retrouver son Unité perdue. Le Monde autour d’elle était intemporel. Immuable. Elle vivait. Instinctive. Au rythme du Soleil, des étoiles et de la Lune. Elle traversait les contrées sauvages et inconnues en quête de sens. En quête du Sacré. Elle mettait son Univers en pièces, elle en mélangeait les arcanes dans une tentative initiatique de se recomposer. Elle avait tous les outils en main, il lui fallait commencer, il lui fallait re-commencer. Elle avait besoin d’entrer en gestation, de laisser ses pensées, ses rêves, ses rancœurs et ses peurs s’accumuler pour enfin les exploser, les expulser dans un éclatement créatif. Pour enfin les ancrer, les stabiliser, les matérialiser dans un élan ordonné. Alors peut-être enfin, ce mouvement intérieur poussé vers l’extérieur allait-il s’élever ? Tisser une passerelle interne entre tous les morceaux d’elle-même, avec tous les morceaux hors d’elle-même ? Peut-être enfin ce mouvement intérieur poussé vers l’extérieur allait-il tracer un pont de sa Terre vers son Ciel ou du son Ciel vers sa Terre ? Ce premier bousculement identifia ses itinéraires possibles : prendrait-elle le chemin de droite ou celui de gauche ? Elle avait pris la route du Nord, stérile et glaciale ; était-elle prête à laisser pousser les fleurs des champs dans le Sud de son destin ? Etait-elle préparée à faire ses choix, à reprendre la route sur son chariot de feu, guidée par ses instincts triomphants et contraires ? Oui. Non. Elle ne savait pas. Peut-être. Oui mais elle ne se lançait pas. Non mais elle continuait son errance. N’était-ce pas déjà un choix ? De continuer son chemin dans le but de trouver son chemin ? Elle avait encore besoin d’équilibrer tous les balanciers de sa vie. De peser les pour et les contre. De mettre les mots justes. De poser les regards justes. Sur chacune des temporalités de sa vie. Sur chacun des plans de son existence. Elle continuait donc son chemin. Dépouillée de Tout. De Chaleur. D’abri. De l’Autre. Frigorifiée et Esseulée. Avec pour seule lueur, la faible lanterne accrochée à son cœur. Elle continuait donc sagement son chemin obscur. Plus ou moins certaine d’être guidée par la roue du Destin. Plus ou moins anxieuse de revenir au point zéro de son voyage intérieur, attachée à des habitudes qui ne lui servaient déjà plus. Plus ou moins prompte à faire un tour sur elle-même. Parfois physiquement même. Malgré son mouvement permanent. Après avoir perdu le sens, elle perdait ses repères. Dans ce Nouveau Monde Sauvage, elle n’avait plus aucun référent extérieur auquel se fier qu’elle-même. Que ce rugissement interne qu’elle avait muselé pendant si longtemps. Dans le Silence de son Être en mutation, dans le Chaos de son Monde en chantier, le feulement de son cœur ronronnait de plus en plus fort. Impossible à assourdir. Indomptable à ralentir. Elle était prête à bondir, à manger son Univers à pleine dent, reconnectée enfin à sa pulsion de vie. Coupée dans son élan pourtant. Le Monde s’est arrêté de tourner. Tout le monde descend. Suspendue. Forcée à l’immobilité. Elle n’avait plus que son paysage intérieur à contempler. Les pores sombres et enkystées de ses racines. Pieds dans le ciel et tête en bas, elle les regardait au plus près. Son périple initiatique s’était mis sur pause, elle ne savait pas encore comment marcher sur les nuages. Il lui fallait changer de regard. Il lui fallait transformer le plomb en or, trancher tous les enracinements ancestraux qui freinaient ses avancées. Et alors. Enfin. Tempérer ses blessures. Faire cohabiter ses contraires et non plus leur faire la guerre. Alors elle pourrait voir sans se mentir les dépendances qui l’emprisonnaient. Elle serait en mesure de pacifier les derniers liens visibles et invisibles qui avaient empêché l’émergence de ce qui avait été enfermé. Elle sortait de sa prison de peau. Elle révélait la version la plus brute et la plus pure d’elle-même. Exposant sa vérité nue dans le creux de sa nuit. Protégée par son étoile et luminée des rayons sélénites, elle écoutait son intuition non plus furieuse mais douce comme l’onde. Plongée au plus profond d’elle-même. Elle était prête à se déployer. Reconstruite. A renaître à elle-même. Dans la pleine clarté du jour. Elle sortait d’elle-même. Elle s’était enfin réalisée. Neuve. Un nouveau sens du Sacré attaché à son âme, son corps et son cœur. Neuve. Elle pouvait reprendre sa route. Vagabonde. Le cœur en baluchon. Unique rescapé de son passé.

Egarée mais libre.

Justine T.Annezo –  4 mars 2022 – GTM+1


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