
On croit que l’on va faire un voyage mais bientôt c’est le voyage qui vous fait ou vous défait.
Nicolas Bouvier
Je prends l’avion pour la première fois depuis deux ans. Le temps du voyage s’était arrêté… Je repars à l’origine de mon envie d’explorer : l’Irlande. Cette Irlande qui n’a plus jamais cessé de m’habiter, même à distance. Je prends l’avion pour la première fois depuis deux ans et je pense à mon empreinte carbone. Et je pense au premier tour des élections présidentielles qui a lieu demain… Je remplis ma première page de mots incertains, ayant longuement hésité avant de baptiser mon nouveau carnet, ne sachant plus trop comment raconter. Je voyage comme d’habitude ? Non, puisque je n’en avais plus l’habitude… Malgré cette destination si connue, je sens que mon expédition a quelque goût de jamais-vu. Je ne me sens pas vraiment en quête de moi-même comme tant d’autres fois. J’aurais presque envie de dire que je ne me sens pas en quête tout court mais mon stylo arrête ma pensée. Ce serait si définitif, presque arrogant ; nous sommes tous en quête de quelque chose. Même si c’est juste d’une glace à la framboise par une chaude journée d’été. Cette fois-ci, je suis en quête de temps libre, de temps calme, de temps vide. Pour arrêter de fuir le vide justement, en le remplissant compulsivement. Je suis en quête d’une bulle hors du temps, hors de cette toile intersidérale dans laquelle je me plais pourtant tant à me déverser en poétique. Depuis mon premier départ pour l’Irlande, je ne me suis plus jamais trouvée « hors ligne » en voyage, j’avais toujours un œil sur mes mots télépathiques. Et c’est peut-être cette sensation perdue que je tentais toujours de retrouver en vain dans l’Ailleurs : celle de cette première partance celtique pendant laquelle je m’étais complètement coupée du monde. Pour m’imprégner. Pour m’immerger. Et qui m’avait tant bouleversée. J’ai envie de m’autoriser cela à nouveau pendant une semaine : un tête à tête au présent avec l’Irlande. Dans ma quête de ne plus remplir le vide. Pour l’accompagner et la pérenniser.
Cette semaine, je voyage, je (re)découvre l’Irlande, libre de tout préambule, vierge de toute idée préconçue.
Cette semaine, je reprends mon stylo et non pas mon clavier, comme seule expression de ma créativité, comme seul connecteur entre moi et le voyage, comme seul transformateur de mon être en mouvement.

Justine T.Annezo – 9 avril 2022, in the sky – GMT +1