
J’aime les arrivées beaucoup plus que les départs. Je recherche le temps long, sa densité, sa profondeur – la complexité du réel, celle qui n’est accessible que si l’on reste. Le voyage exige de s’attarder, de prendre refuge : s’acclimater, apprendre la langue, s’entourer de fenêtre pour mieux les traverser.
Les femmes aussi sont du voyage | Lucie Azéma
Un pub Irlandais. Une Red Ale. Un carnet. Je pourrais rester ici des heures à écouter les douces sonorités du Nord de Dublin se mêler à de la pop à l’eau de rose soutenue par le chant joyeux de la serveuse. Des heures à réadopter l’Irlande comme si je l’avais quittée hier. Et pourtant… Pourtant, le salon de thé sous la verrière de l’IFI a disparu. Les autres repères, heureusement, sont toujours au rendez-vous et me ramènent doucement à la maison. La première gorgée de Smithwicks dans l’ambiance bruyante et dorée du Palace Bar avait, hier soir, un goût d’éternité malgré la fatigue et les courants d’air. Je suis à Dublin qui fut mon habitude et cela me semble encore irréel, impénétrable, hors de ma compréhension. Je n’aurais pas le temps de l’habitude cette fois, de rester cette fois-ci. Perdue dans mes pensées, je divague sans but et sans mot. Une forme de détachement libre et serein. Je suis ici, je suis maintenant, je suis Irlande. Un carnet. Une Red Ale. Un pub irlandais. Les sensations m’échappent sur ce que je pense. Sur ce que vis. Juste le plaisir de l’ambiance doucereuse d’un dimanche au pub. Juste le soulagement d’être à l’abri du vent, sans rien de plus à écrire que Slainte*.

* Santé en irlandais
Justine T.Annezo – 10 avril 2022, Madigan’s (O’Connel Street | Dublin) – GMT +1