Le secret de Galamus

Le Pays Cathare est une terre chargée de légendes et d’Histoire à l’origine d’une réelle fascination quand j’étais enfant. J’ai de vagues souvenirs d’être allée visiter des chateaux forts avec mon père (j’avais même reçu un diplôme de chevalier !) et ma mère a toujours nourri une passion incroyable pour les Cathares qu’elle m’a certainement indirectement transmise.
Pourtant, comme beaucoup de choses liées à mon pays, je m’en étais quelque peu éloignée ces derniers temps, allant chercher mon mystère au loin sur les terres celtiques, oubliant que la terre voisine ouvrait aussi une porte sur l’Ailleurs insondable. Comme quoi (et on se le répète en boucle pour essayer de trouver du bon à cette crise sanitaire), cette immobilité à moitié forcée, à moitié choisie, ouvre le champs des possibles.
Pour ma part, elle me réconcilie avec mes rêves de chateaux forts de petite fille que je peux maintenant regarder avec mon regard d’apprentie historienne et mon âme de sorcière illuminée.
Pour ma part, elle m’amène au-devant de cette quête fantasmée d’enfant et m’intéresse aux places légendaires entre toutes les légendes, aux lieux mystiques entre tous les mystères, aux endroits énigmatiques entre tous les secrets à travers cette rubrique sur l’
Aude ésotérique et tellurique.

Et GALAMUS, ce nom d’ailleurs qui me fait penser à l’Inde ; et GALAMUS, cet être de pierre indescriptible, taillé par les eaux de la Rivière d’Aigle, sculpté par les millénaires, m’a caché des secrets inavouables lors de ma visite estivale, confondus par les centaines de baigneurs venus échapper à la canicule entre ces roches blanches et immortelles. Mais GALAMUS a tant d’histoires immémoriales à vous livrer que je m’empresse de vous en inventer ici…

Tout a commencé, à Galamus, il y a des milliers d’années… Alors que les eaux n’avaient pas de noms, que les pierres n’étaient pas creusées, que la Terre ne savait même pas ce qu’elle était. Rien n’avait besoin d’être nommé, Tout existait en dehors des significations limitantes des humains. Il n’y avait pas de frontières invisibles au milieu du maigre ruisseau qui volait à tire d’ailes au plus près des cieux, le lieu était apparemment immuable.

Pourtant, les eaux de l’Agly, creusaient seconde par seconde, milliers d’années par milliers d’années, le sol minéral de son lit et s’enfonça au plus près du cœur de la Terre. Aujourd’hui, son oeuvre continue cinq cent mètres plus bas, offrant un panorama incroyable qu’on le contemple par dessus ou par dessous, la tête en l’air ou les pieds dans l’eau.

Les premiers à défier cette impression de bout du monde furent des ermites venus s’isoler dans les grottes naturelles des Gorges aux alentours du VIIème siècle même si les murs et l’Histoire l’ont oublié… D’abord simple grotte, le lieu se transforma au fil des ans et des ascètes, et fut placé sous la protection de St Antoine le Grand. En effet, Antoine d’Egypte est considéré comme le père du monachisme chrétien puisque la quête d’Absolu poussa le moine au désert et l’y enfouit périodiquement pour qu’il s’y ressource. Il établit son ermitage sur le Mont Qoizoum au bord de la Mer Rouge.

Suivant l’exemple de leur saint patron, les ermites successifs (dont certains étaient moines franciscains) se retirèrent dans une cavité naturelle de la falaise dont le cadre éblouissant ne pouvait être que propice à la méditation, et y élevèrent quelques murs humains dès 1395. Cependant, la véritable consécration eut lieu en 1782 lorsque plusieurs habitants de Saint Paul de Fenouillet furent sauvés d’une épidémie de « suette » (sorte de gangrène) grâce à la protection de Saint Antoine. On aménagea alors la grotte en Chapelle en son honneur pour commémorer le « Miracle ».

Déserté après la Révolution, l’ermitage est réhabilité à partir de 1843 par le prêtre et moine franciscain Marie-Joseph Chiron, surnommé le Père Marie. Il y vécut quelques années, célébrant les fameuses processions de Pâques et de Pentecôte, et institua surtout le rituel de la Cloche aux Vœux ; la légende raconte en effet qu’elle exaucerait le souhait de celui qui la fait sonner, surtout s’il s’agit de mariage…

Mais fi de tous ces dogmes ! Pourquoi ce lieu possède-il véritablement un attrait énigmatique ? Car, encore une fois, la figure emblématique de Marie-Madeleine l’oubliée, celle qui est encore aujourd’hui la secrète patronne de Rennes le Château, protège les parois spirituels de cet antre alors qu’elle est la première à nous accueillir aux côtés de la Vierge Marie près d’une source à baptême.

Et dans les « faits », l’effet ésotérique de Galamus pourrait s’arrêter là, comme un doux secret distillé à notre oreille et laissé en suspend à la merci de notre propre interprétation, au plaisir du sens que chacun souhaite donner à ce passage fugace…

Certain(e)s contemporain(e)s païen(ne)s y auraient inauguré leur quête originelle vers les eaux matricielles. Et c’est vrai que l’entrée rocheuse étrangement semblable à ce que l’on se représente d’un col de l’utérus, nous y invite, nous expulsant sous l’immense platane de l’Ermitage (lorsque l’on arrive du Parking de l’Ermitage). Et c’est vrai que les eaux pures qui nous contemplent d’en bas nous appellent pour un nouveau baptême, ruisselant d’en haut sur les murs de la Chapelle qui les recueille parfois en berceau pierreux.

Mais pour ma part, je ne m’étendrai pas plus sur le cheminement que l’on peut y faire en équilibre instable entre le profane et le sacré. J’en avais trop lu avant mon arrivée et voudrait laisser à chacun la possibilité de faire son pèlerinage païen, s’il le souhaite ou non…

Comment visiter les Gorges et l’Ermitage de Galamus ?

Pour s’y rendre :
* Si vous arrivez du « Nord » par l’A61 : prendre la sortie n°22 – Bram (si vous venez de l’Ouest) ou la sortie n°23 Carcassonne Ouest (si vous venez de l’Est), direction Limoux. Arrivé dans la ville de la Blanquette, vous pouvez opter par la Grand’ Route : D118, D117 direction Saint Paul de Fenouillet et remonter par l’étroite D7 ; ou pour la route panoramique (mais extrêmement étroite) en vous offrant peut-être même un petit road trip esotérique par Rennes le Château, Rennes les Bains et Bugarach en prenant la D613 à Couiza puis en en suivant la D14 jusqu’à Cubière sur Cignoble où vous récupérez la D10, le tout le long des flots tortueux de La Sals.
* Si vous arrivez du « Sud » : suivez la D117 direction Saint Paul de Fenouillet et prenez la D7 une fois dans le village.

Découvrir les Gorges en voiture :
Ce serait un peu dommage de s’en contenter mais comme premier regard, c’est déjà absolument incroyable de parfois recevoir un éclat de l’eau scintillante et claire dans son rétroviseur, de suivre les méandres de la roche à sa fenêtre, tout en se préservant (à tort) de l’immense sensation de vertige qu’offre la marche à pied.
La route en elle-même est un témoignage des prouesses et des ambitions humaines, elle fut construite à la fin du XIXème siècle, taillée dans la roche à la barre de mine par une poignée d’ouvriers suspendus à des cordes. Au-delà des raisons économiques invoquées pour une telle entreprise – faciliter les échanges de marchandises sur les foires de Saint Paul de Fenouillet (légumes, bois et céréales, contre vins et huiles) seuls débouchés de nombreux villages des Corbières – il s’agissait également de répondre à un défi que ces Gorges, comme un bout du monde, lançaient à l’homme. La route fut terminée en 1892 par le tunnel à l’entrée des Gorges côté Saint Paul de Fenouillet. L’exploit technique fut immortalisé par le poète Saint-Paulais Léonce Rives, dont un quatrain en occitan est gravé au-dessus du tunnel (source : le site officiel des Gorges).

Dins aquel roc pelat que trauco la sabino
Oun l’aglo dins soun bol gausabo soul beni
Penjat per un courdel ambe la barromino
L’home coumo l’ausel a troubat un cami.


Dans ce roc pelé que troue la sabine
Où l’aigle dans son vol osait seul venir
Pendu par une corde avec la barre à mine
L’homme comme l’oiseau a trouvé un chemin.

Découvrir les Gorges à pied :
* Pour les moins hardis (comme moi cette fois-ci), il y a la courte ballade de l’Ermitage (45 mins) qui, comme son nom l’indique, permet de découvrir l’ermitage et de capturer quelques visions de beauté plus rapprochées du vertige rocheux que l’on surplombe. Je conseille de prendre le départ au Parking n°3 de l’Ermitage si le stationnement le permet, mais il est aussi possible de prendre la ballade à rebours depuis le Parking n°2 du Belvédère. Cette portion du petit chemin pierreux (entre le Belvédère et l’Ermitage) fut longtemps le seul moyen d’accès au renfoncement de retraite.
* Pour les moins hardis toujours, il y a aussi la possibilité de prendre la route sus-mentionnée à pieds afin de pouvoir en comprendre chaque détail. Et dans ce cas-là (si vous arrivez du « Nord »), je conseillerais de laisser sa voiture au niveau du Parking n°4 (côté Aude) afin de ne pas se « spoiler » le paysage en voiture avant.
* Pour les plus aventureux, une randonnée de cinq heures et 13 km au départ du Moulin de Cubières est possible (sachant qu’une portion se fait sur la route sus-mentionnée). Pour plus de renseignements, par ici.

Découvrir les Gorges en canyoning :
Equipé d’une combinaison de plongée et d’un harnais, on est tout de suite très éloigné de l’idée de pèlerinage à laquelle je faisais allusion plus tôt…. C’est pourtant un magnifique moyen de plonger au cœur même de ces eaux fascinantes et d’en goûter la saveur minérale et régénérante.
Je recommande pour ce faire l’entreprise familiale Côté Sud qui propose une offre découverte pour tous et une offre sportive pour les plus athlétiques, le tout dans une franche bonne humeur.

Bon à savoir :
* Si vous souhaitez prendre un bain sans enfiler votre combinaison de plongée, évitez à tout prix la zone entre le parking N°4 et le Parking du Belvédère et choisissez les gorges audoises moins risquées en matière d’éboulement. En effet et comme dirait ma prudente petite sœur, les panneaux d’interdiction sont là pour une raison : chaque jour, des pierres plus ou moins volumineuses s’échappent de leurs monts rocheux et dévalent des centaines de mètres près à écrabouiller n’importe quel baigneurs alanguis sur son passage… Alors vraiment, ne pensez pas (comme moi) que les arrêts préfectoraux ne sont que là pour brimer votre liberté et au lieu de se risquer au passage étroit de la rivière, optez pour la douceur des plages ensoleillées (et autorisées) en amont.
* La Maison d’hôte Le Galamus, située à Saint Paul de Fenouillet, offre un repos confortable et pour un prix raisonnable à 10 mins en voiture des gorges. Salle de bain partagée, Petit déjeuner compris et cuisine mise à disposition (ce dont vous serez grandement reconnaissant au vue de l’offre culinaire du petit village).
* Pour manger en soirée, deux mots : soyez équipé ! Car, de notre côté, nous nous sommes vertement faites avoir. Nous avons naïvement pensé que le village le plus proche d’un site si touristique serait la caverne d’Ali Baba des baigneurs en goguette. C’était oublier trop vite la particularité du caractère catalan… ! Tenez-vous le pour dit, il n’est plus possible de manger à partir de 21h à Saint Paul de Fenouillet !!! Les pizzas à emporter n’ont plus de pâte à pizza (ou plus probablement, notre tête « pas d’ici » ne leur revenait pas), le restaurant – dont la salle intérieure est absolument vide – croule sous les réservations et ne peut nous nourrir (mais ne verrait pas d’inconvénient à nous mettre dans son lit) et le seul bistrot qui pourrait éventuellement nous accueillir a très mauvaise presse auprès des locaux… Alors ce n’est pas dans mes habitudes de me montrer si incisive mais là vraiment Saint-Paul by night, je ne recommande absolument pas ! Allez donc faire des emplettes chez « l’épicier du village » et préparez vous un repas de princes à l’auberge car on n’est jamais mieux servi que par soi-même…

Mais je ne finirai pas par une note si négative et ferai ma révérence à Saint-Paul-de- Fenouillet l’intrigué, qui a tout de même eu la magie de mettre sur notre route, au gré d’une rue de traverse et complètement par hasard, un ami de ma mère dont l’apéro improvisé était un festin de bonne humeur et un festival de sérendipité ! Le dit ami s’est en effet révélé être par un autre hasard miraculeux le père d’une de mes compagnes de covoiturages, rencontrée il y a trois ans entre Carcassonne et Toulouse et avec qui j’ai repris contact depuis.

Quand je disais qu’il y a quelque chose de prodigieux dans les eaux de Galamus….


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